Charlotte, Emilie et Noémie, la vie devant elles
Charlotte, Emilie et Noémie sont trois jeunes femmes superbes. J’ai eu l’occasion de les rencontrer l’une et l’autre le mois dernier. Mais leur joli minois et leur jeunesse ne sont pas leurs seuls points communs. Elles ont en effet traversé récemment, un cancer de l’ovaire pour Charlotte et un cancer du sein pour Emilie et Noémie.
Que faire d’une traversée du cancer à un âge où l’on devrait être insouciante, où la finitude de l’existence ne devrait pas faire partie de nos préoccupations ? Comment transformer cet injuste accident de vie qui frappe sans discernement en quelque chose qui aidera les autres ? C’est ce qu’elles ont fait toutes trois comme une évidence.
Coups de projecteur
Charlotte la K fighteuse
Charlotte m’a contactée via Facebook il y a quelques temps et, parisiennes toutes les deux, nous avons décidé de nous retrouver pour déjeuner, moyen bien plus agréable que les réseaux sociaux pour faire connaissance.
Charlotte n’a pas encore trente ans et est en rémission d’un cancer de l’ovaire stade 3C, grade 1 depuis septembre 2014. Diagnostiquée très tard, malgré de multiples rendez-vous chez des médecins incompétents qui lui opposaient des douleurs psychosomatiques, elle a subi un nombre impressionnant de chirurgies et chimiothérapies. Ces traitements semblent n’avoir laissé aucune trace sur cette sublime jeune femme aux allures de mannequin sorti tout droit d’un magazine. Pourtant les stigmates invisibles aux yeux de qui la croise sont bien là. Au delà des nombreuses cicatrices, Charlotte ne pourra pas porter d’enfant. Elle s’est battue comme une lionne afin de trouver le praticien qui accepte de lui congeler ses ovocytes malgré l’urgence. « 10, je me suis laissée 10 chances » me dit-elle sans sourciller comme s’il était simple de se battre contre l’avis médical, contre des médecins qui lui expliquent que sa vie est en jeu. Elle finira par trouver celui qui accepte de lui laisser la possibilité d’avoir cet enfant qu’elle désire tant. Et même si elle ne le portera pas, elle a aujourd’hui la possibilité de réaliser son souhait le plus cher.
Durant son parcours difficile, Charlotte a cherché des moyens de traverser les traitements le moins mal possible. Et c’est à travers un blog qu’elle a décidé tous les vendredis à 12h (c’est précis), de partager ses trucs, de dévoiler les armes qu’elle a fourbies afin de contrer ce cancer qu’elle n’a pas choisie.
Rendez-vous aussi tous les mardis à la même heure, avec d’autres K fighters à qui elle laisse carte blanche et qui nous livrent à leur tour les astuces qu’ils ont développées pour survivre.
Mais aujourd’hui elle va plus loin et est en train de nous préparer une belle surprise. En effet, elle sort les « fighting kits », des kits d’essentiels pour « accompagner en douceur et dignité les K fighteurs ». Quatre ravissantes box, (cheveux, ongles et peau), pour les femmes et même une box pour les messieurs seront disponibles moyennant quelques dizaines d’euros en janvier 2016 sur son site ! Quatre jolis écrins qui renfermeront des produits adaptés pour prendre soin de vous dessinés et pensés par Charlotte rien que pour vous.
Emilie et Lilian, « soyons cheyenne »
J’ai rencontré Emilie Deville et son inséparable compagnon Lilian Lloyd lors de la soirée organisée pour les trois ans de la chaine rose. .
Il est auteur et comédien, elle comédienne et photographe et ils ont traversé tous deux le cancer du sein d’Emilie. L’année dernière à l’occasion d’octobre rose, ils ont décidé de marier les mots de Lilian et le regard d’Emilie, en hommage à une sœur de combat Sam, emportée trop tôt par la maladie. Une campagne virale est imaginée par le couple. Des milliers de selfies d’inconnus arborant fièrement des peintures de guerre, des selfies pour dire « vous n’êtes pas seules », « vous êtes debout », inondent la page Facebook créée pour l’occasion. Parallèlement une collecte de fonds pour Gustave Roussy à Villejuif est mise en ligne
Cette initiative est l’occasion de montrer sa solidarité, aux malades, aux proches, et eu égard au succès inattendu rencontré, elle a recommencé cette année. Même si octobre rose a refermé ses portes, vous pouvez toujours vous photographier et poster sur leur page Facebook.
Et bien entendu la collecte de fonds n’attend que vous !
Les mots de Lilian
“Soyons Cheyennes,
et arborons nos peintures de fierté, afin de dire que rien ne nous brise.
Soyons Cheyennes,
et saisissons les mains, épongeons les fronts, apaisons les douleurs.
Soyons Cheyennes.
aux carquois bardés d’espoirs et aux regards ciblant la victoire.
Soyons Cheyennes,
sur nos joues sont dessinés des traits d’union avec ce qui a été et ce qui se bat.
Dans la perte ou la tristesse, dans la force ou la caresse, dans les doigts qui s’entrecroisent,
Amazones, enfants, femmes, hommes, pères et mères, frères et sœurs
Que nous luttions, que nous accompagnions,
Voici ce que nous sommes,
Des Cheyennes.
Ensemble. Debout.”
Les images d’Emilie
Pour tout savoir sur la programmation de la pièce écrite et mise en scène par Lilian Lloyd « Sur l’échelle de Glasgow » qui se joue prochainement à Paris rendez vous ici
La mali(g)ne Noémie
Noémie Caillault est une ravissante jeune femme toute menue à l’humour décapant et la pêche communicative. J’avais entendu parler de sa pièce Maligne qui raconte son épopée au pays du cancer et que je voulais absolument voir.
Avant même de pouvoir programmer ma soirée Maligne, j’ai eu la chance de la croiser lors d’une soirée pour Octobre rose pendant laquelle elle a joué un extrait de son spectacle. A la fois désopilant et triste, ces quelques minutes donnent bien le ton de la pièce à l’image de la comédienne pétillante et émouvante .
Pourtant elle n’avait pas programmé d’écrire sur son histoire. 27 ans un cancer du sein, un petit boulot au théâtre de la Pépinière à Paris, c’est vaillamment qu’elle continue à travailler pendant les traitements afin de rester dans la vie. Ces boss la soutiennent, rient et pleurent de ses péripéties dans la planète cancer, qu’elle leur raconte au fil des jours. Ils finissent par lui proposer d’écrire une pièce et de la produire. Voilà Maligne est lancée et devient un véritable succès. Après la Pépinière à Paris, le théâtre des béliers à Avignon vous pouvez la voir en ce moment au Théâtre du Petit saint Martin à Paris les jeudis, vendredis et samedis à 19h jusqu’au 28 Novembre Courrez-y. Quant à moi, ma soirée avec Noémie est prévue très bientôt.
La bande annonce du spectacle
Voilà trois histoires, trois parcours difficiles sublimés par trois jeunes femmes qui n’avaient rien demandé, trois réalisations portées par un désir de combattre, de partager, de soutenir. J’ai énormément de respect pour ses trois petites nanas hors du commun qui ont gagné leur bataille respective et en ont fait quelque chose pour elles et pour les autres surtout ! Chapeau bas !
Prenez soin de vous les filles, et maintenant, vous avez la vie devant vous !
Catherine
Catherine, j’aime beaucoup ton article…
Sauf ça : » Diagnostiquée très tard, malgré de multiples rendez-vous chez des médecins incompétents qui lui opposaient des douleurs psychosomatiques »
Sur la notion d’incompétence des médecins qui ont manqué le diagnostic de Charlotte, permets moi 2 remarques
1- la première est que chez une jeune femme de 27-28 ans se plaignant de douleurs, les médecins ne pensent jamais en premier lieu à un cancer, qui touche normalement des femmes bien plus âgées. Idem en digestif. Un saignement chez un jeune de moins de 30 ans ne conduit pas automatiquement à une coloscopie. Du coup, malheureusement, de nombreux cancers inhabituels chez des femmes jeunes sont de ce fait diagnostiqués tardivement.
Ce n’est pas à proprement parler de l’incompétence médicale. On traiterait autant des médecins d’incompétents s’ils faisaient des examens à tous les patients jeunes se plaignant d’un symptôme.
2- La seconde remarque se rapproche plus de ce que tu appelles l’incompétence, et appelle à beaucoup de réflexions. C’est que beaucoup de médecins ne savent pas examiner les patients correctement. Parce que la formation est compliquée, comme on sait (et on en discute). Pour sentir un gros ovaire au toucher vaginal, il faut avoir pratiqué un certain nombre d’examens, avoir appris correctement à explorer profondément. Or, les jeunes médecins en formation ont très peu d’occasions d’apprendre à faire des examens corrects. A titre d’exemple, hors de la question des touchers vaginaux ou autres, il suffit de comparer la manière dont un sénologue examine les seins d’une patiente. Quel généraliste, quel gynéco est capable de faire l’examen comme ça?. Il n’a pas été formé correctement, il ne sentira pas un petit nodule.
Ce que tu appelles ici incompétence est un défaut de formation; J’ai eu la surprise récente de voir un jeune gynéco pourtant qualifié de compétent et pointu en plein de domaines, mais n’ayant pas su faire un diagnostic simple, évident rien qu’à regarder le périnée d’une patiente.
Avoir des incompétences, ne signifie pas que l’on est incompétent. Toute personne a des incompétences, certaines plus ou moins que d’autres. On attend des médecins parfaits, mais ils sont aussi soumis aux aléas conjonturels pouvant les conduire à des incompétences. Notamment celle que ne pardonnent pas les patients, le retard diagnostic.
L’incompétence n’est pas le reflet de médecins incompétents. Elle est la conséquence :
– d’un système qui n’apprend pas correctement aux médecins à examiner les patients, à les interroger pour déceler les signes d’alerte devant conduire à des explorations. Il est évident que ces étapes sont incontournables avant de qualifier une jeune patiente comme psychosomatique surtout si elle consulte plusieurs fois. Le principe c’est qu’à 27-28 ans, tu as mieux à faire que d’être fourrée tout le temps chez les médecins, et que si tu reviens plusieurs fois, un clignotant devrait s’allumer rapidement dans le cerveau du docteur.
– d’un système qui ne laisse pas assez de temps aux médecins pour réfléchir. L’obligation de multiplier les actes, de voir tous les patients vite, de répondre à toutes les demandes, les consultations mal rémunérées qu’il faut faire à la chaine, tout cela nuit gravement à la bonne qualité de la réflexion sémiologique des praticiens. Le temps administratif qu’il faudra prochainement consacrer au tiers payant généralisé viendra encore empiéter sur le temps de la réflexion médicale, et il aurait été bien, du point de vue de nombreux médecins, que les patients ne se placent pas du côté de ceux qui veulent les obliger à faire cela. Car in fine, ce sont les patients qui vont en pâtir.
Permets moi cette conclusion:
Si les médecins montrent des incompétences, cela ne veut pas obligatoirement dire qu’ils sont incompétents…
Leurs incompétences ont des racines analysables.
Les patients ont un rôle à jouer dans l’amélioration de la qualité médicale, en comprenant mieux les mécanismes de certaines incompétences, et en se positionnant non pas contre, mais aux côtés des médecins pour y remédier.
Cordialement
Marion
Chère Catherine, merci de ce post qui met en lumière l’histoire de trois filles magnifiques. Et merci à Marion d’avoir illustré ses arguments d’analyse que, par contre, je ne partage pas.
Face à un cas comme celui venu par Charlotte, il n’y a pas d’arguments qui tiennent : il s’agit d’une faute grave ayant entrainé un retard de diagnostique et de conséquence une perte de chances, des soins alourdis et le sentiment, pour la jeune femme, d’être traitée d’hypocondriaque.
Si un cancer de l’ovaire peut ne pas être diagnostiqué au premier abord, deux ans d’errance, une vingtaine de consultations dont une se terminant avec « mais attention, vous étiez à deux doigts de l’occlusion intestinale », et un ventre enflé autre mesure sont des conditions complètement démesurés pour la prescription d’une échographie pelvienne.
Charlotte a été victime d’une faute grave: que celle-ci soit générée par incompétence, par paresse, par méfiance ou pire par un sentiment d’omnipuissance…peu importe, la conclusion est dans la faute grave du professionnel de santé. Et à juste titre, car si tout médecin pouvait laisser trainer son patient pendant deux ans malgré des signes claires sans que sa responsabilité ne soit engagée, alors cela voudrait admettre que la qualité de la médecine a chuté profondément. Fort heureusement ce n’est pas le cas.
Quant aux réflexions sur la faute du système, et bien je pense que toute formation a des limites, qu’elle s’exerce en médecine, en droit, en ingénierie ou en tout autre domaine. Cela n’empêche pas d’acquérir des compétences pendant la pratique, de développer ces compétences via la formation continue et surtout de se poser les bonnes questions, quitte à changer l’avis initial.
Si au bout de ces tant décantées 12 années de médecine, le professionnel ne se pose pas la question d’enquêter sur les plaintes répétées et circonstanciées d’une patiente (jeune ou pas jeune), cela n’est pas la faute du système ni des modalités de remboursement. Ceci est du à l’incompétence du professionnel point c’est tout.
Ce que Marion évoque avec justesse est la nécessité d’écouter le patient, de mener ces fameuses étapes de la consultation qui étaient normales chez le médecin d’antan: l’anamnèse, l’inspection, la palpation/percussion, l’auscultation et l’éventuelle demande d’examens complémentaires.
Ecouter le patient, entendre ce qu’il dit, faire confiance à sa capacité d’évaluer une situation anormale s’il la affirme à plusieurs reprises: voilà les conditions pour qu’une vraie alliance se fasse entre patient et médecin. Pour le reste, il n’y a que la souffrance d’une personne abandonnée à soi même face à la maladie.
Bon courage.
Bonjour Marion
Je suis entièrement d’accord avec mon amie Giovanna. Et nous ne sommes pas les seules puisque la justice vient de statuer au bénéfice de Charlotte et le médecin va être sanctionnée.
Tu fais malheureusement preuve d’un corporatisme solidaire obsolète. Le médecin tout puissant n’a plus lieu d’être en 2015 ! Le système n’a rien à voir la dedans même si il est perfectible je te l’accorde.
Une incompétence qui consiste à ne même pas réaliser une échographie en deux ans à une jeune femme qui se plaint de maux de ventre insoutenables est une faute ! Tout le monde fait des erreurs mais quant il s’agit de médecine cela peut avoir des conséquences dramatiques !
Quant à ta dernière phrase je suis uniquement d’accord sur la fin : il ne faut pas opposer les médecins aux patients mais j’ai bien peur que souvent ce soit les premiers qui soient réticents à une écoute et un quelconque partenariat!
Bien à toi