Etude Calista, nymphe, Jedi et travail à l’Asco
Si l’Asco est une conférence très technique portant essentiellement sur les avancées en matière de traitements, les études plus sociologiques commencent à y trouver leur place. Preuve que le cancer est une maladie qui touche la santé mais aussi la vie dans toutes ses dimensions. L’étude Calista portant sur la problématique cancer et travail a été présentée à Chicago la semaine dernière et nous avons eu la chance de pouvoir en rencontrer les auteurs, les Docteurs Eisenger et Ganem.
Le CROL (Cercle de réflexion en Oncologie libérale) et les laboratoires Roche sont les instigateurs de cette enquête qui a été conduite auprès de 97 oncologues libéraux et 216 de leurs patientes entre mars et novembre 2012. Le but était d’analyser les motivations des femmes atteintes d’un cancer du sein désireuses de continuer leur travail pendant les traitements et la perception qu’en avaient leurs médecins.
Dichotomie de points de vue
Sur le panel de femmes interrogées, seules 31% ont pu, malgré leur désir, continuer leur travail sans aucune interruption. Mais ce qui est plus intéressant, c’est que les cancérologues pensaient que seulement 11% d’entre elles y parviendraient.
De la même manière, 36% des médecins ont l’impression qu’ils ont eux-même abordé la question de l’emploi, alors qu’elles ne sont que 13% à le confirmer.
Encore plus étonnant, plus d’un oncologue sur deux pense que la motivation était financière contre seulement 9% des patientes qui mettent plutôt en avant leur désir de continuer une vie normale. (42%). Les raisons sont donc plus symboliques que matérielles.
Un bémol important, les patientes interrogées ont un niveau socio-professionnel plus élevé que la moyenne. C’est donc les personnes qui en ont le plus besoin qui ne peuvent malheureusement pas continuer à travailler.
Encore des efforts à faire !
Cette étude prouve donc bien que la perception des médecins est différente de la notre. Des efforts sur la communication doivent être faits. Des efforts sont à faire aussi auprès des employeurs pour que les femmes qui le désirent puissent continuer à travailler.
Des questions restent néanmoins en suspens : qu’en est-il de ses patientes un ou deux ans après les traitements ? Qu’en pensent-elles à postériori ? Avec le recul, leur choix serait-il le même ? Des pistes pour une étude Calista 2 ?
Le Docteur Ganem a fini sa présentation par une jolie image : Calista (avec deux l) est une nymphe d’une très grande beauté dans la mythologie grecque. C’est aussi un Jedi dans la guerre des étoiles. Deux références qui ne sont pas pour nous déplaire n’est-ce pas ?
Et vous qu’en pensez-vous ? Avez-vous pu continuer à travailler pendant les traitements ? Quelles étaient vos motivations ? Etes vous contente de votre choix ?
Catherine Cerisey
Hello Catherine,
C’était inimaginable pour moi de ne pas continuer : 1) Raisons évidemment financières 2) Je travaille dans une TPE et nous ne sommes que deux dont moi qui gère tout l’administratif : je ne voulais pas mettre ma boss dans l’embarras 3) Ca m’évitait de tourner en boucle autour du cancer : ça me changeait donc les idées et je voyais du monde. Mais bien entendu aménagement du temps de travail : 2 jours au bureau et 3 à la maison proposé par ma boss durant la chimio sauf la semaine de cette dernière où je m’écroulais et j’ai ensuite repris 4 jours sur 5 lors de la radiot et à la fin, 5/5. Du coup, je n’ai pas eu à m’inquiéter de la reprise ni de la crainte de ne pas pouvoir endurer le rythme de travail.Et j’ai la chance d’avoir un poste de bureau, assise ce qui n’est évidemment pas le cas de tout le monde. Je t’embrasse. Nathalie
Coucou Catherine, lorsque j’ai appris la nouvelle je venais tout juste de donner ma démission. Je cherchais alors un mi-temps pour passer un peu plus de temps avec mon fils. Pas évident de se lancer dans une recherche d’emploi en sachant qu’on a un an de traitement à venir… je n’ai donc pas travaillé. J’ai laissé de côté mes recherches d’emploi pour me consacrer au traitement. Mais je me suis énormément occupée l’esprit en dessinant ma BD! Maintenant mon traitement est fini, mon CV est mise à jour, à moi le monde de la recherche d’emploi!
Bonjour Catherine. Merci pour tout ce que tu partage avec nous, avec beaucoup de sérieux et souvent avec une petite touche d’humour. je suis universitaire et suite à l’annonce du cancer, j’avais la possibilité d’arrêter de travailler mais j’ai fait le choix de continuer malgré que j’étais consciente des risques (fatigue intense, risque d’aplasie, risque d’infection, …). je ne regrette pas mon choix et j’ai même continué à assurer des tâches administratives parallèlement avec les heures de cours. j’ai aussi continué à faire du sport et ça m’a aidé à surmonter la fatigue liée à la chimiothérapie. A la fin de mon traitement (chimiothérapie, chirurgie et radiothérapie) j’ai résumé la situation en une petite photo que je me suis amusé à monter
Bonjour Catherine,
J’accompagne des femmes ayant été touchées par le cancer pour leur permettre de retourner à l’emploi dans les meilleures conditions possibles. Ces femmes viennent vers moi, soit parce qu’elles sont en recherche d’emploi, soit parce qu’elles ont repris leur job et que le temps faisant son travail, elles prennent conscience que ce qu’elles font n’a plus de sens, ou bien qu’elles ne peuvent plus faire ce qu’elles ont toujours fait. Je rentre moi-même dans la 2ème catégorie. Je n’ai pas travaillé pendant les traitements, et ne regrette pas mon choix. Après mon cancer du sein, en 2007, je n’avais qu’une aspiration, c’était retourner à ma vie « d’avant », à une vie normale. Mais un cancer, ce n’est pas normal, et 2 ans plus tard, je me suis interrogée… perte de repères, plus d’envie de rien, bref, j’ai négocié mon départ tout en ne sachant pas ce que j’allais faire professionnellement.
Le cancer précarise, nous le savons, quand nous n’avons pas de travail, il est encore plus difficile d’en trouver et quand nous en avons un, souvent, nous ne le supportons plus quelques temps après. Je sais que nombreuses sont les femmes qui vivent cela…
On peut faire toutes les études que l’on veut, analyser les moindres chiffres, c’est en allant à la rencontre de ces femmes touchées par la maladie que l’on peut vraiment prendre conscience du problème.
Les efforts à faire sont énormes…
Les médecins doivent mieux prendre en compte l’après traitement, les entreprises doivent arrêter de croire qu’une personne revenue à temps plein est guérie… non, parfois elle n’a pas le choix ! Et les recruteurs doivent prendre conscience qu’un cancer, ça ne rend pas moins compétent… sans parler des partenaires sociaux, totalement absents sur le sujet ! etc… il y a tellement de choses à dire !
Oui, il y a encore un sacré boulot à faire !
Réfléchissons, échangeons, mobilisons, ça en vaut la peine !
Bien à toi, Valérie.
Bonjour Catherine, bonjour à toutes,
Pendant toute la durée de traitement, je n’ai pas travaillé. Au début, j’avais demandé à mon oncologue la permission de travailler pendant les traitements, car je me sentais en forme… il a refusé. Je ne peux que le remercier. J’ai profité de cette période pour prendre soin de moi. J’ai quand même repris le travail pendant la Radiothérapie et je le regrette amèrement. Car après 6 mois d’absence on se sent larguée. Déjà au travail tout avait changé et l’attitude de certains collègues aussi. Moi aussi j’avais profondément changé.
Je voulais reprendre un vie normale… je voulais retrouver mon ancienne vie. Mais comme l’exprime si bien Valérie, un cancer ce n’est pas normal … après un cancer l’ancienne vie n’existe plus. J’ai repris le travail pour des raisons financières, je reste dans ce travail pour les mêmes raisons. Mais le cœur n’y est plus… j’aspire à autre chose, plus me tourner vers les autres, pour aider… et aussi avoir un peu plus de temps pour moi.
Un cancer ça fatigue énormément. 6 mois après la fin des traitements lourds, j’ai la forme, mais pas la même qu’avant… mais aménager son temps de travail ce n’est pas évident. Et encore en mentionnant Valérie, les employeurs pensent que si l’on est revenu c’est que tout est ok… que la forme est la même…
Bref, oui il y a énormément de travail là dessus !
Gérer le Cancer et l’après Cancer.
Merci pour ces échanges
Bonne journée à toute.
Bonjour Catherine.
Difficile d’envisager d’arrêter mon activité ,quand l’oncologue m’a, annoncé quel serait le « parcours de soin »! Une activité libérale, des journées à n’en plus finir, c’était inconcevable. Finalement je l’ai écouté et fait le choix de m’occuper de moi pendant cette parenthèse. Aucun regret vu la déferlante dans laquelle je me suis trouvée. D’autre part sur le plan professionnel j’ai la chance d’avoir des collègues qui m’ont soutenu, et qui se sont occupé de tout organiser. Cela m’a permis et me permet de prendre soin de moi,( quelle chance car je n’aurai pas eu l’énergie de le faire), et je pourrais ainsi envisager de reprendre mon travail sans trop d’appréhension, si tout va bien.
Merci à toi de permettre tous ces échanges, mais aussi pour tous tes articles qui mettent une touche d’humour et d’énergie dans ces moments tellement particuliers.
Très bonne journée
Françoise
Bonjour Catherine, bonjour à toutes,
L’article, comme tous les autres, est très intéressant et comme toujours bien rédigé. Merci Catherine et j’ai aussi envie de dire merci à toutes les personnes qui ont publié un commentaire car dans chaque commentaire je me retrouve. Ce qui me frappe le plus c’est que nous voulons toutes « reprendre notre vie d’avant », « reprendre une vie normale ». Comme quoi même si chaque cancer est différent, le ressenti est identique. J’ai repris le travail trop vite étant persuadée que je passerais très vite à autre chose et comme toutes les personnes pour l’employeur on est guérit donc on charge la mule encore davantage. Le mi-temps thérapeutique je l’ai fait sur un mois car la charge de travail était la même qu’avant voir plus puisque l’absence leur avait montré la charge de travail que j’abattais « avant » et malheureusement je me suis trouvée prise dans une spirale à mon insu car pendant cinq ans j’ai subi « l’apres-cancer » car ce qui m’a manqué le plus c’était la partie communication. Les articles que je lis aujourd’hui aussi bien sur ton site Catherine que sur le site de Rose magazine ou de la Ligue contre le cancer me rassurent car je constate que ce n’est pas moi qui ne rentrait plus dans le moule mais le moule ne m’était plus adapté !
J’ai été au charbon (façon de parler) pendant cinq ans, parce que l’aspect financier lorsqu’on a des enfants et une maison à payer est en tête de liste. Mais pendant cinq ans j’ai aussi pris le traitement d’hormonothérapie (Tamoxifene et Zoladex) et j’ai fait deux nodules sur la cicatrice ainsi qu’une reconstruction technique sans prothèse… Je déplore le manque de communication et d’écoute du malade, lorsque j’ai dit à mon médecin que je voulais reprendre le travail, au lieu de me raisonner et de parler de cette p…. de fatigue qui ne vous lâche plus il a abondé dans mon sens parce que je suis secrétaire. Mais pour une secrétaire le bras et le cerveau sont les outils de travail. J’ai tiré sur la corde pendant cinq ans sans écouter mon corps, sans comprendre ce qui m’arrivait, j’ai subi tellement j’étais conditionnée « il faut que ». Et puis il y a neuf mois j’ai jeté l’éponge, mon corps m’envoyait des signaux d’un peu partout, j’ai écouté mon corps et j’ai dit STOP. J’ai payé le prix fort car ON m’a littéralement achevé ! Pourtant depuis le départ j’ai toujours joué la carte de la transparence même si j’ai toujours dissocié vie privé et vie professionnelle. J’ai mis six mois pour me relever et c’est grâce à la Ligue que j’ai avancé. Je me suis battue pour ne pas me faire écraser par le crabe ni le système mais c’est difficile de résister et de continuer de se battre pour gagner. Arrive un moment donné où on a envie d’abandonner. J’ai accepté mon nouveau statut mais je suis las de devoir toujours relever les manches pour rester dans la course. Mon cerveau me dit « arrête » mais ma volonté et mon courage me disent « n’abandonne pas ». La récidive date de 2007 mais le cancer date de 1999. Depuis c’est la course contre la montre pour sauver santé, couple et donner un modèle de vie « normal » à nos enfants. Il y a une chose que je n’ai pas perdu c’est mon sens de l’humour, heureusement que je suis plutôt genre « mieux vaut rire que pleurer » même si pleurer soulage !
Merci de m’avoir lu, bonne journée à tous
Bise
Pascale
Par intérêt pour la question (moi j’ai traversé le cancer avec une autre maladie grave longue durée et les séquelles + l’apparition d’autres maladies auto immunes font que je ne travaille tjrs pas) tu accompagnes en tant que ? thérapeute, employée dans une asbl ou dans un service public ou une mutuelle ? Il y a en effet tellement à dire … en Belgique la question de la « réhabilitation » sociale et professionnelle n’est pas encore à l’ordre du jour si ce n’est au niveau privé par l’une ou l’autre asbl créée uniquement (et ce serait tellement bien si les autres partenaires sociaux et professionels pouvaient s’y joindre et s’y investir) par des personnes confrontées au cancer même … merci d’avance pour ta réponse, marie jo
Bonjour Marie Jo
Je fais de l’accompagnement en tant qu’indépendante. J’ai longuement travaillé dans les RH, je suis coach (de manager en entreprise au départ). Je me suis beaucoup investie dans une association de lutte contre le cancer depuis 2 ans et c’est de là que m’est venue l’envie d’aider les personnes soucieuses de leur retour au travail. La « réhabilitation » sociale et professionnelle, comme tu l’exprimes n’est pas encore prise en compte en France non plus, même si on en parle de plus en plus… peut-être un espoir ! Il ne faut rien lâcher dans le mesure du possible !
Valérie
J’ai juste oublié de préciser dans ma réponse précédente que j’interviens aussi et surtout à travers une association qui finance l’accompagnement pour les personnes en situation précaire.
Valérie
Bonjour !
merci à toutes pour vos témoignages qui prouvent que tout ça n’est pas simple !!!
je vous embrasse
Catherine
J’aurai aimer continuer à travailler même avec un temps aménagé mais mon chirurgien et mon oncolongue n’ont pas voulu.
Il est vrai que j’adore mon travail et que je donne beaucoup de ma personne. Les médecins ont préférés que je me concentre à part entière à mon traitement.
J’ai eu la chance d’avoir un Patron, un chef et des collègues adorables et je passe tous les 15 jours à la Société pour me tenir informer et montrer que je suis là.
Et je contente car je reprend le travail le 02/09/2013.
Passez de bonnes vacances d’ici là Sandra !!!!
Bonjour
Pour ma part, c’était une évidence de continuer à travailler si je le pouvais. Je me suis quand même arrêtée 3 mois complets après l’opération car je ne savais pas du tout ce que ça alllait donner, si j’allais supporter tout ça. Finalement, l’ensemble des cures de chimio s’est pas trop mal passé et j’ai réussi à négocier de travailler de la maison en mi.temps thérapeutique. En même temps, la négo n’a pas été trop difficile : j’ai une chef adorable qui ne veut que mon bien. Du coup, ça m’a aidé à passer ces mois difficiles, à penser à autres choses, à avoir un peu de vie sociale, à montrer que j’étais toujours là !! Ce n’était même pas une quesiton financière car pendant mon arrêt, j’étais payée à 100%.
Maintenant me reste à passer la radiothérapie… Et revoir ensuite mon aménagement du temps de travail.
Voilà, j’espère que nos commentaires pourront aider à faire évoluer les choses. Je suis quand même épatée qu’ en 2013 , une femme soit encore obligée d’argumenter son envie de retour au travail. M’enfin….
A bientôt
Bonjour Karoli
un commentaire plein d’espoir et d’optimisme et qui va dans le sens de cette étude ! Merci !!!!
Opérée fin mars, je suis au milieu de mon traitement de chimio, ensuite viendra la radiothérapie et l’hormonothérapie, j’ai fait le choix de continuer à travailler à temps plein, plutôt encouragée par l’oncologue et les médecins (et je continue également une petite activité physique : randonnée en un peu plus light qu’avant). Mais j’ai de la chance, je supporte assez bien pour l’instant les séances de chimio, je suis absente le jour de la chimio et le lendemain, mais surtout, mon travail me le permet, mes collègues m’aident beaucoup et j’ai une grande écoute de la part de ma hiérarchie, si je me sens fatiguée, ces derniers jours cela arrive, je peux partir un plus tôt. Pour l’instant, je ne regrette pas, je ne m’imagine pas chez moi, pour quoi faire…. Malgré tout, je suis consciente que les choses, ma vie n’est plus comme avant, tout bouge, tout change et en 1er lieu, moi, ma vision de la vie, des autres de mon rapport aux autres, de mes aspirations. Pour l’instant, j’ai le nez dans le guidon (c’est d’actualité !), mais je sais que plus rien ne sera comme avant, mais ça peut-être positif. Mais pour l’instant, la travail me permet de garder un équilibre nécessaire et un rythme de vie qui me convient au moment où j’en suis aujourd’hui…. J’ai encore un long chemin devant moi, rien n’est figé, peut-être que dans quelques semaines, tout sera différent. Je vis un peu cette « expérience » au jour le jour et j’essaie de m’adapter au mieux, comme chacune d’entre nous, j’imagine.
Bonjour Agnès et merci !
Il est évident que la compréhension de vos collègues et de votre hiérarchie est un élément essentiel et vous avez beaucoup de chance… Vous avez raison, vivre au jour le jour est la meilleure des solutions !
Merci et à très vite j’espère
catherine