Octobre est-il si rose?
Il m’est difficile de reprendre le clavier après le départ d’ Anne Laurence, disparue en plein mois d’octobre. Toutes ces manifestations d’un octobre trop rose résonnent tellement faux face au décès de mon amie, emportée par des cellules devenues folles transformées en métastases tueuses.
Octobre rose, octobre pendant lequel, cette année encore, les pouvoirs publics largement relayés par les médias, ne parlent que de dépistage sur fond de polémique. Cette dernière n’engendrant que doutes, et questionnements chez les femmes bien-portantes effrayées à l’idée d’être sur-diagnostiquées ou sur-traitées. Ce dépistage dont il faut parler mais dont on parle mal, ce dépistage, seule préoccupation de notre gouvernement qui a besoin de chiffres, si possible bons, pour justifier son dispositif si nécessaire mais tant décrié.
Octobre rose qui voit fleurir chaque année des manifestations « festives » qui glorifient les survivantes : monuments illuminés de rose, courses roses, yaourts, vernis, sacs ou aspirateurs roses … Le tout sensé sensibiliser la population à la cause tout en la rassurant: si survivantes il y a, guérisons il y a !
Octobre rose pendant lequel les pouvoirs publics n’ont de cesse de nous expliquer que le cancer guérit. L’intention est louable puisqu’elle est sensé pousser nos chers assureurs, banquiers et employeurs à cesser de nous considérer comme des morts en sursis. Et c’est vrai, les traitements, le dépistage précoce, la recherche qui avance à petits pas ont permis de gagner du terrain …mais encore trop peu ! .
Octobre rose pendant lequel à contrario, les médecins, les chercheurs et certaines associations, tous impliqués réellement dans la lutte – ceux- là même qui ont les mains dans le cambouis – tentent d’ouvrir le débat, de parler du cancer autrement, en organisant des colloques et conférences dont l’impact médiatique est quasi nul ! .
Car voir systématiquement la bouteille à moitié pleine, communiquer, festoyer, se congratuler … céder au miroir aux alouettes du positivisme à tout prix, n’a-t-il pas quelques redoutables effets pervers.
Quid de ces 11000 femmes qui, comme Anne Laurence, perdent la bataille tous les ans, les oubliées des médias, les oubliées de la fête … les épouvantails du cancer. Glorifier la victoire de certaines, stigmatise les autres qui ne peuvent que penser, à tort, qu’elles n’ont certainement pas fait ce qu’il fallait. Or le cancer frappe sans distinction et les métastases tuent de la même façon, ne s’embarrassant pas de considérations sur l’observance d’un traitement adjuvant ou d’une hygiène de vie irréprochable. Est-ce juste de s’auto-congratuler et dans le même temps culpabiliser, oublier, cacher des femmes en plein dans la tourmente.
Alors octobre rose pourquoi pas, mais cessons de ne parler que de dépistage et de guérison. Entendons nous bien, il ne s’agit pas d’arborer un ruban noir, d’affoler les foules et de faire pleurer dans les chaumières. Mais de dire la vérité, de parler vrai parce que dans la vraie vie, lorsqu’on tombe malade, on souffre, on pleure, on (sur)-vit et parfois on meurt aussi !
La fête n’est pas si rose parce que le cancer ne l’est pas. Le cancer tue et chaque jour, il nous enlève des amies. Ne les oublions pas !
Catherine Cerisey
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Bonjour Catherine, oh il n’est pas si rose, ce foutu cancer nous tord les tripes d’angoisse parfois et nous arrache le coeur lorsque ce sont nos amies qui sont touchées ou qui partent trop tot. Et pourtant dimanche je vais participer à l’étape finale de la marche du ruban de l’Espoir, justement je me suis décidée hier pour être aux côté d’une amie qui rechute et qui l’a appris il y a qq jours. Cette vague rose nous fait du bien aussi dans ces moments là lorsqu’elle nous réunis, malades en traitement ou en rémission et nos proches. Nous avons le sourire et les larmes pas loin. Sentir cet élan de solidarité me porte et c’est pour celà que je m’investi en rose MAIS je pense que la question du rose qu’on nous propose doit effectivement se poser et c’est pourquoi j’ai participé au collectif qui a écrit ‘questions roses: sous le ruban la lutte contre le cancer du sein’.
http://auseindesadifference.com/2012/10/08/questions-roses-sous-le-ruban-la-lutte-contre-le-cancer-du-sein/
Au plaisir de te relire
Marie
Notre rose à nous… les survivantes, c’est la vie que l’on voudrait rose pour nous, pour nos sœurs de combat. Les polémiques servent aux médias et à la presse et desservent la lutte… Et les malades ? les anonymes, les médecins qui se battent ? Donnons leur la parole … Nous voudrions que cet OCTOBRE ROSE servent nos sœurs et surtout sensibilise à l’importance du dépistage. Parce que la meilleure arme aujourd’hui contre le cancer, c’est de le dépister tôt.
Je pense à mes amies qui se battent et qui se sont battues … et le combat continuera qu’il soit rose ou d’une autre couleur …
Faby
Oui, c’est vrai, le verre n’est pas qu’à moitié plein, il est aussi à moitié vide. Je ne pense pas que celles qui sont tombées soient oubliées -la preuve, tu en parles, donc nous tous qui te lisons pensons à cette amie partie trop tôt, la tienne, la nôtre, les nôtres.
Mais lorsqu’on est encore là, on a envie de continuer à y croire et de savourer les choses, les jours, la vie puisqu’on peut encore le faire. Pour nous et pour celles qui sont partie. Nous portons leur message, nous nous souvenons de choses qu’elles nous ont dites et on se les répète aussi souvent que possible. Ce n’est pas que nous avons fait quelque chose de mieux que celles qui ont perdu la bataille, c’est juste qu’on est encore là, c’est tout. Je ne crois pas qu’il y a d’explication ou de culpabilité à avoir. C’est comme ça, c’est tout (à répéter autant de fois que nécessaire).
Alors non, la vie n’est pas rose, on a bien trop vu pour être si naïves, mais la couleur c’est la vie et nous avons la chance d’être encore là pour les savourer ces couleurs…. sans oublier celles qui ne sont plus à nos côtés.
Courage pour ces jours difficiles.
On comprend le deuil de la personne chère qui est partie. Mais je sais pas si octobre est trop rose.
Le cancer quoi qu’on dise fait toujours très peur. Je crois au contraire que cette façon de prendre le côté positif (célébration des « survivantes », les démonstrations colorées, etc.) c’est un moyen de ne pas céder à l’angoisse de mourir ou de voir mourir ses proches et c’est positif. Alors entre ça et se voiler la face complètement, c’est vrai qu’il faut un juste milieux.
Comme je te comprends Catherine chargée de ton immense peine d’avoir perdu une amie de cette foutue maladie, de ta foutue maladie, de ma foutue maladie, de notre foutue maladie, nous en sommes souvent là, nous les « survivantes » à pleurer des amies trop jeunes qui sont parties alors que nous avons survécu…moi j’ai laissé deux belles amies sur le bord du chemin, deux mères jeunes, belles, pleine de vie et de courage (que ce mot est laid!!), la même année à quelques mois d’intervalle alors pour ne pas sombrer face à un immense chagrin et un sentiment d’injustice sans nom, je me suis mise à penser que les choses arrivent parce q’elles doivent arriver, que la chance qui m’a été donnée à moi je dois m’en servir pour aller vers les autres, les aider dans la traversée des traitements, des doutes, des peurs et qu’à travers ce sursis j’entretiens la mémoire de ces femmes, je les fais vivre dans mon souvenir et dans mon coeur avec la pensée que chaque jour que je vis, elles vivent avec moi…
Affectueuse pensées,
Blandine
Bonjour à toutes,
Comme vous, je suis encore là pour en parler et pour soutenir celles qui sont touchées et se battent contre ce cancer et contre tous les autres cancers.
Oui, la recherche avance, oui les médecins, chirurgiens, oncologues, radiothérapeutes, chercheurs se battent à nos côtés … mais trop de vies sont encore gâchées et perdues.
Mais, la vie est plus forte et il faut y croire, témoigner pour celles qui sont parties afin qu’elles soient encore là avec nous.
Ne pas les oublier, mais continuer à vivre et à prouver que c’est possible.
Tu es en colère et tu as raison. Ton amie est partie elle aussi trop tôt . Moi c est d un cancer de l ovaire que je suis atteinte, je suis en récidive et les
Marqueurs de contrôle ne sont pas bons. À 41 ans je sais que je vais partir bientôt laissant mes 3 anges tous seuls.je me demandais ce que j avais fait ou mal fait pour mériter cela..mais la colère est stérile alors,il faut profiter de la vie , la rendre rose pour ceux qui nous entourent et espérer que nos enfants pourront être guéris,..
À bientôt
Et oui… Merci Catherine de rappeler que le cancer tue et que la fête Octobre Rose, forcement des sur-vivantes, ne doit pas nous faire perdre cela de vue.
Merci Catherine encore une fois
On se sent si seul face à tous les gens qui croient que oui le cancer du sein se guérit. On en est presque gênée d’être en arrêt maladie. Il faudrait se justifier de ne pas être visiblement malade (quand on n’a pas perdu les cheveux, qu’on supporte plutôt bien les traitements…). Difficile de tenter d’expliquer de quoi l’on souffre, qu’il n’y a pas un cancer du sein mais des cancers
Mais quid de la hantise de la mort toujours présente quand on a un cancer avec métastases, qu’il y a urgence à vivre parce que les mois au mieux les années sont comptées et que de toutes façons ces années là seront jalonnées de traitements à répétition, pas une vie normale même si on y aspire et que l’on fasse tout pour qu’elle le soit, pour ses enfants, les proches et soi
merci Catherine, de tout coeur avec toi
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j’ai eu un cancer du sein en 2010 depuis je m’efforce effectivement de vivre pleinement chaque instant que me donne la vie mais cette derniere n’est pas toujours rose surtout lorsqu’autour de soi le cancer frappe à tout va … Mais la peur du noir de la vie qui tenaille ne doit pas nous empecher de partager honnetement aussi ces moments de tristesse et de decouragement comme ceux que vivent catherine cerisey apres le deces de son amie … à chacun sa maniere d’etre il n’y a pas de recettre à mon sens …. bien à vous toutes et tous
Merci à tous pour vos messages d’encouragements et de soutien. Je suis heureuse de voir que je ne suis pas la seule à réfléchir à la question et à être lassée par le tour qu’a pris le mois d’octobre depuis quelques années !
je vous embrasse
Catherine non tu n’es pas la seule tu vois bien que collectifs associatifs et patientes s’expriment en ce sens. D’ou mon engagement dans l’écriture à plusieurs mains du booklet ‘questions roses: sous le ruban la lutte contre le cancer du sein’
Marie
http://auseindesadifference.com/2012/10/08/questions-roses-sous-le-ruban-la-lutte-contre-le-cancer-du-sein/
Il est vrai qu’on transforme en fête ce qui trop souvent est un drame pour de nombreuses femmes et pour leurs proches. Ceci n’est pas loin d’être scandaleux. De la récupération publicitaire là où il faudrait un engagement sérieux et raisonné.
Catherine,
aussi longtemps que dure ta vie ta victoire te pèse ça semble aisé de se battre pour soi , alors qu’on est si démunie face à la detresse d’un enfant malade ou de qqun que l’on aime.
C’est pour eux qu’il faut être fort et entretenir la mémoire de ceux qui ont été emporté, la vie est plus forte que tout elle efface tout et le soleil revient , ses joies ses petits bonheurs du quotidien qu’il faut prendre sont un immense cadeau !
Merci aussi à tous ceux qui sont dans l’ombre toutes ses petites mains débordées qui nous aident à tenir, qui nous tendent un haricot ou nous soutiennent quand c’est si dur d’affonter une chimio ou une séance de rayons…Elles sont omniprésentes
Merci pour tout , comme dit Joëlle continuons de prouver que c’est possible !!!!
Je suis née un 14 Octobre, j’aimais ce mois qui annonçait ma fête, je me suis mariée un 17 Octobre, le mois de ma déclaration d’amour à ma moitié…et puis depuis 2 ans Octobre est devenu Octobre Rose dans ma vie qui a basculé à l’octobre noir…Des mots qui ne m’ont en rien fait penser à cette couleur : chimio, mastectomie, curage axilaire, hormono-dépendant, infiltrant, radiothérapie, hormonothérapie…On pense à tout sauf au rose ! Biensûr j’écoute les médias célébrer octobre rose en pensant moi à celles qui ne parleront plus ne témoigneront plus, celles dont on tait le nom car il FAUT dire que le cancer du sein se soigne bien…je survit un peu plus chaque jour, je me bats avec ma reconstruction qui commence par un échec…Mais jamais je ne baisse les bras car je pense à celle qui ne sont plus là pour se battre, je n’ai pas le droit, je ne dois pas…j’ai la rage de vaincre, la rage de vivre, la rage tout court !On peut endurer beaucoup de chose lorsque l’on est atteinte d’un cancer du sein, le pire serait de nous mettre au silence…Je suis devenue la fée Nac un autre moi enfantin, un peu comme si je voulais revenir à l’enfance au temps de l’insouciance face à une réalité qui me parait si dure, je suis lasse d’entendre que le cancer du sein se soigne bien , oui et après ? et les dégâts causés ? ne peut-on pas dire que la reconstruction ne concerne pas une simple poitrine mais toute une vie…Fêter un combat, une lutte, une vie…ok…mais fêtons aussi celles qui ne sont plus comme des victimes d’un combat d’une bataille, des héroïnes qui ont donné jusqu’à leur dernier souffle en se battant contre un adversaire si cruel…Votre témoignage Catherine m’a souvent aidé merçi.
Personnellement, je ne peux pas concevoir « octobre rose » comme une fête. C’est une période pendant laquelle j’essaie de m’informer un peu plus grâce aux conférences qui sont organisées. Et s’il y a des progrès concernant les traitements, je reste consciente qu’il y a encore beaucoup à faire.
Merci à toutes les filles !!! Vous lire me prouve que je ne suis pas une bête à part qui serait à contre courant de la plupart ! il faut faire entendre notre voix et récupérer notre octobre rose :).
Bisous à vous partager
Catherine
J’aime beaucoup le concept de résilience et l’idée que l’on peut refaire surface après un traumatisme. Lisez Boris Cyrulnik et son « merveilleux malheur » pour mieux connaître le pouvoir d’auto guérison et de résistance aux maladies et pouvoir enfin rebondir plus haut et plus fort après ces foutues épreuves inhérentes à la vie.
Bonsoir
moi aussi j’aime bien ce concept de résilience :). rebondir après un malheur et en faire quelque chose, surtout !
Merci
Catherine
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Merci à vous pour ce texte
4 ans déjà et rien n’a changé. ..