3C D ou comment dédramatiser les prothèses
Mais que cache donc ce mystérieux sigle « 3C D »? Je l’ai découvert dans une dépêche AFP, début novembre qui m’a fait sourire. D’abord un nom un peu pompeux : le collectif créatif des corps divergents. Puis on découvre rapidement que l’instigatrice en est Annick Parent, par ailleurs présidente de l’association « les amazones s’exposent » et bien connue dans le petit monde du cancer du sein. Immédiatement je me suis demandée ce que cette vigneronne amazone nous avait à nouveau concocté.
Et bien je n’ai pas été déçue. Fidèle à elle même et, il faut bien le dire, à son côté un tantinet intello, dans la droite continuité de son association qui allie l’art et l’asymétrie, elle a décidé en compagnie d’autres femmes de créer ce collectif qui permettra, elle l’espère, de dédramatiser les prothèses. Prothèses mammaires bien sûr, mais pas seulement. En effet, d’autres femmes concernées par d ‘autres sortes de prothèses l’ont rejointe : Dan Steffan, plasticienne et peintre qui porte des chaussures orthopédiques et se sert d’une canne pour pouvoir marcher, Anna Matalon, comédienne qui porte une poche urinaire depuis sa néphrostomie, et Sandrine Pignoux, comédienne, elle aussi amazone depuis sa mastectomie. Une jeune designer Marine D. complète la fine équipe.
Très bien tout ça me direz vous, mais So What ? Et bien puisque les prothèses ont une forte tendance à stigmatiser celui que les porte, ce collectif de réflexion veut les customiser, les décorer, les sortir de leur carcan orthopédique pour en faire un accessoire qui attirera le regard plutôt que le faire fuir. Et elles foisonnent déjà d’idées toutes plus farfelues et rigolotes les unes que les autres : minerve-collier, bonnets-cheveux pour les personnes souffrant d’alopécie, chemises avec un bras en moins, canne en fourrure, écharpes à poche pour les sacs à redons, décalcomanies pour cacher les cicatrices…. Et nous allons être mis à contribution puisque des questionnaires seront à disposition chez les kinés, les clubs handi-sport, les associations et les boutiques spécialisées pour connaître les attentes et les problèmes auxquels les malades sont confrontés. Le collectif projette également d’organiser des ateliers de customisation pour que chacun puisse donner libre court à son imagination.
Prolonger ces corps différents, transformer la rudesse du handicap en y adjoignant de l’humour et de la fantaisie, changer le regard de l’autre, attiser la curiosité plutôt que l’aversion, sont de très belles idées. Et comme le dit Annick Parent avec sa verve légendaire : « la sale gueule du matériel, c’est une violence surajoutée à la violence de la maladie ».
Mais j’avoue avoir beaucoup de mal à imaginer comment designer des prothèses mammaires, je suis donc très curieuse de découvrir les premières réalisations… Et puisque l’humour est de mise, à quand les prothèses arrosoir pour les femmes qui allaitent et les prothèses hérisson pour les sein-tes nitouches?
Et vous, des suggestions?
Catherine Cerisey
Bonsoir ,
Je pense que si l’on veut changer le regard sur les prothèses ils faut que celles ci soient le plus possible fidèles au naturel au point de passer inaperçues ……..
Bises
@+
Je n’ai absolument aucun problème avec ma prothèse et j’assume totalement mon corps avec ses 50% de seins ! Bien au contraire, je mets des décolletés et des maillots de bain deux-pièces. Je ne suis pourtant pas sure d’avoir envie de porter une prothèse multicolore ou décorée qui se verrait sous mes vêtements. Je trouve absolument magnifiques les photos des amazones sur leur site et j’adorerais participer à quelque chose comme ça mais dans la vie de tous les jours, je n’ai pas envie de mettre l’accent sur ma poitrine, en tous cas, sur la partie qui manque. Une prothèse, aussi jolie qu’elle puisse être (pour une prothèse !), ne remplacera jamais mon joli petit sein disparu. C’est comme ça, je l’accepte. Par contre si cette initiative peut permettre à des femmes de mieux vivre avec leur nouveau corps alors je dis bravo et bonne idée mais pour ma part je n’en porterai pas… J’ai tout de même hâte de voir ce que les esprits créatifs et inspirés vont pouvoir trouver 🙂
Ma foi, j’applaudis à deux mains cette initiative !
Je me souviens encore des cheveux qui se sont dressés sur ma tête lorsque une infirmière de Curie, pour me préparer à ce qui m’attendait, a sorti le terrible arsenal prothèse mammaire et soutien-gorge militaire vert kaki… Je venais juste d’entendre que j’allais être mastectomisée à la suite d’un troisième cancer du sein, mais la vue de cet engin jamais vu, aussi froid et repoussant qu’un sein peut être chaud et beau, m’a horrifiée.
Par ailleurs, ma cicatrice est grande, large, sinueuse.
Je suis donc la cliente parfaite, et franchement impatiente, de toute décalcomanie ou autre coloriage de peau, prothèse etc.
Franchement, pourquoi ajouter la laideur à la maladie ?
Géniale Annick, intelligente et courageuse. J’adore ce projet et son esprit démystificateur. Bravo!
pour moi, dédramatiser la prothèse est simple;je ne cherche pas à la colorier ou à dessiner dessus,le simple fait de pouvoir porter un joli soutien gorge me suffit et toute la journée j’oublie…..par contre,le soir,quand je me déshabille,je prends ma dissymétrie en pleine figure et là quoi que je fasse il faut bien que j’accepte ce qui est !!!!
Catherine, tu as une réflexion, une philosophie, et un don d’expression extraordinaires.
Une excellente initiative !
Je me souviens m’être trimballée les redons sans savoir vraiment comment les cacher dans un sac , ce n’était vraiment pas pratique..
Et au ski j’aurai beaucoup apprécié de pouvoir porter un bonnet – cheveux !
Quant aux prothèses, pourquoi pas dessiner un téton, mais il faut voir.
En tous cas il y a beaucoup de choses à imaginer et à explorer.
Je vois que, comme souvent, les avis sont partagés. La démarche, très intellectuelle il faut bien le dire, peut cependant séduire. Assumer sa prothèse en l’affichant ostensiblement peut être une option pour certains. Pour d’autres, la discrétion sera de mise. Maintenant au delà du bénéfice recherché pour l’individu, le collectif peut engager des discussions plus générales sur le handicap et c’est là que c’est intéressant. Néanmoins, le sujet est sensible et je pense que la finesse doit être de mise. La frontière entre légitime engagement et militantisme agressif est mince.
A Denise merci ma belle, tu es un ange et je suis rouge comme un coquelicot.
Je vous embrasse tous
Catherine
Catherine bonjour
oui je serais curieuse de voir ce qu’ils vont faire…
pour les tatouages j’y avais pensé pour moi mais avec un tatouage définitif
mais la prothèse effectivement on l’a met le matin et on l’oublie une fois habillé et oui on prend en pleine figure le soir « encore une fois « qui nous manque un sein.
je me posais souvent cette question pourquoi avons nous des seins si c’est pour nous les enlever?
« EH BIEN JUSTE POUR ALLAITER NOS ENFANTS »
ce qu’un jour une femme m’a dit et elle n’en avait plus de seins!!
mais moi ils n’ont pas allaité mes enfants!! mes seins!!
alors j’ai fait la reconstruction comme ils appellent…
et je me sens mieux
je ne supportais plus cette prothèse externe je la trainais comme un boulet
chacun et libre de choisir et savoir ce qu’il y a de mieux pour soi
a bientôt
nallie
Merci Nallie,
Attendons en effet de voir ces créations 🙂
Si vous vous sentez mieux, plus en phase avec vous même c’est que vous avez fait le bon choix et c’est ce qui importe
je vous embrasse
Bonne journée
Catherine
Bonjour Catherine,
il me semble que toute action / initiative qui puisse promouvoir un meilleur respect des femmes dans ce genre de problèmes où elles sont les premières concernées devrait être soutenue positivement. Il s’agit de faire avancer la réflexion, plus important pour moi que d’être pour ou contre.
Vous semblez aller dans ce sens, mais avec une certaine réticence que vous exprimez surtout par rapport à son instigatrice. J’avoue ne pas comprendre ce que sa démarche a d’intello, ni pourquoi vous donnez une connotation négative à cet adjectif « intello ».
Qu’est-ce qui vous dérange dans ce coté intello ? Que serait une démarche moins intello ?
Bien amicalement.
Stefano
Bonjour stefano,
Merci d’être venu sur mon blog :). Je n’ai pas de réticence vis à vis de son instigatrice qui est, comme je le dis dans mon intro, une figure dans la lutte contre le cancer du sein. Plutôt vis à vis de la démarche que, comme vous le soulignez, je trouve un peu « intello ».
Je m’explique : si j’ai bien compris, à l’instar des amazones s’exposent il s’agit d’utiliser l’Art comme vecteur d’acceptation de l’autre. Pour avoir été dans le milieu de l’art pendant 20 ans, je pense qu’il n’est pas toujours facile d’en aborder et d’en comprendre le sens. Il nécessite souvent et c’est particulièrement vrai pour l’art contemporain, des explications afin d’en appréhender toutes les subtilités. Il ne s’agit pas de dire j’aime ou j’aime pas, mais d’aller au delà pour comprendre la démarche de l’artiste et ce qu’il a voulu faire passer.
Ici le message semble clair, je porte une prothèse et je l’assume au point d’en faire un élément « décoratif ». Mais est ce que pour autant, le dialogue, source d’acceptation de l’autre, va s’engager ? Est ce que les « autres » ne vont pas prendre cette prothèse tout à coup visible (notamment pour la prothèse mammaire) comme un acte violent et exhibitionniste. (ce qui a malheureusement été le cas pour certaines actions de l’association d’Annick )
Je pense, et ce blog existe entre autre pour ça, que le dialogue doit être le maitre mot dans cette incompréhension qui dicte nos vies. L’humain a besoin de parler, de s’expliquer.
Le poids des mots, le choc des photos…. L’art n’est qu’expression me direz vous. Oui mais sans mot pour adoucir un message qui peut être perçu comme violent pour celui qui ne comprends pas, je suis sceptique.
Quoi qu’il en soit, même si je trouve la démarche un tantinet intello, je la respecte d’abord puisqu’elle peut faire du bien chez certains et ensuite parce qu’elle peut effectivement faire avancer les choses chez d’autres. Mais je souhaite que la communication qui sera faite autour aille dans le sens du dialogue et ne se limite pas au plaisir de créer et de porter de beaux objets.
Voila, en tout cas bravo pour l’idée et meme si je reste sceptique pour les réalisations pour les prothèses mammaires, j’attends avec impatience la suite ….
Catherine
Bravo pour cette nouvelle initiative.
La photo de Sylvie (les amazones s’exposent) m’a personnellement portée avant, pendant et après ma mastectomie. Continuez à vous battre, à exposer ces nouveaux corps de ces femmes « autrement » .