les mesures engagées par le plan cancer II vont-elles réussir à résoudre les problèmes de « l’après cancer »?
« C’est fini, tourne la page », « tu ne vas pas te complaire dans la maladie? », « quand reprends tu le travail? »… des phrases que nous avons toutes entendues au moins une fois. Et en effet, proches, amis, connaissances aimeraient que tout soit oublié dès les traitements terminés. Mais, rares sont les femmes qui peuvent reprendre leur vie là où elles l’avaient laissée, comme si rien ne s’était passé. Ce décalage est une souffrance supplémentaire qui complique les rapports et peuvent ajouter à la détresse des malades. Comment considérer que l’on est guéri alors qu’aucun médecin ne prononce le mot tant attendu ; alors que chaque soir, et pendant des années, certaines doivent prendre une petite pilule non exempte d’effets indésirables ; alors que nous subissons encore les effets secondaires des traitements lourds dont nous sortons à peine ; alors que nos vies sont encore ponctuées de contrôles et rendez-vous médicaux anxyogènes ; alors qu’il nous est désormais interdit d’emprunter ou de contracter des assurances. Entourées pendant des mois par les équipes soignantes, nous nous retrouvons tout à coup seules , face à nos peurs de la récidive, à ces cheveux, cils, sourcils et ongles qui ne repoussent pas, cette extrême fatigue qui perdure, ces difficultés à se concentrer, une perte d’emploi … que sais-je encore. Parfois, c’est la dépression qui pointe le bout de son nez, une dépression post-traumatique comme la nomment les psychologues, qui nous empêche toute réinsertion.
Le magazine Vivre édité par la Ligue contre le cancer traite de cet « après cancer » qui devient un problème récurrent, au vu du nombre croissant de malades dits « guéris ». Je me suis penchée sur la question à la lecture de cet article reçu dans ma boite mail hier, article qui me semble exagérément optimiste.
Cet après est effectivement la priorité du plan cancer II : car «les personnes en rémission ou guéries doivent pouvoir poursuivre leurs projets de vie», précise le plan. La mesure 25 entend ainsi «développer une prise en charge sociale personnalisée et accompagner “l’après cancer”». Et ce notamment par l’expérimentation d’un programme personnalisé de l’après-cancer (PPAC) qui devrait démarrer en 2011. D’autres mesures visent aussi à faciliter l’accès aux assurances et au crédit, ainsi qu’une meilleure réinsertion professionnelle des malades et de leurs aidants » lit-on dans le magazine. Parallèlement, une sortie de prise en charge en ALD (affection longue durée) est prévue courant 2011. (lire l’article sur la maison du cancer : « sortie d’ALD, beauoup de bruit pour rien« ) et une révision de la convention AERAS (Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) est censée améliorer ce retour à la « vraie vie ».
D’après notre ancienne ministre de la santé, Madame Roselyne Bachelot-Narquin, interviewée dans le trimestriel : « il (le PPAC) s’agit là d’une mesure phare, consistant à considérer le patient dans sa globalité, c’est-à-dire dans sa dimension physique et psychologique, mais aussi sociale et professionnelle. » Pour ce faire, « le plan cancer II prévoit de renforcer la coordination de tous les acteurs du secteur sanitaire (hospitaliers et ambulatoires), du secteur médicosocial (soins infirmiers à domicile, aides-soignantes,aides ménagères, repas portés à domicile, etc.) et du secteur social (prises en charge financières, administratives, professionnelles, familiales, etc.). »
Tout ceci semble parfait …. sur le papier. Soignants, psychologues, assistantes sociales, associations … vont donc être mis à contribution au profit des malades et des proches déboussolés et, il faut bien le dire, stigmatisés par une société incapable de les prendre en charge. Mais quand on sait, que le dispositif d’annonce, mesure phare du plan cancer I de Monsieur Jacques Chirac n’est pas encore mise en place dans tous les centres, on est en droit de s’interroger. (voir mon post : » comment annonce-t-on un cancer aujourd’hui).
En ce qui me concerne, 8 ans m’ont été nécessaires pour retrouver mon équilibre. Perte d’emploi, angoisses de la rechute, peur d’un avenir précaire .. m’ont accompagnée pendant de longues années. Le dispositif du gouvernement, va-t-il aider les personnes concernées pendant si longtemps? Le plan cancer va-t-il résister à la lourdeur de l’administration, à l’inertie et au manque de moyens des hôpitaux? Les employeurs, banquiers et assureurs vont-ils modifier leur point de vue face à des médecins qui refusent, quant à eux, de nous considérer comme guéris? Je suis extrêmement dubitative. Tant que les soignants, les proches et tous les autres parleront de rémission, tant qu’ils vivront avec l’image d’une maladie potentiellement, voire inéluctablement mortelle, tant que les traitements laisseront les malades exsangues, les choses ne changeront pas de façon radicale. Le cancer sort de l’ombre, il touche de plus en plus de gens mais il fait toujours peur. Afin de changer les mentalités, il faudra du temps, de l’argent et une véritable « guérison » qui ne pourra découler que des progrès de la recherche. Et c’est uniquement à ce moment là que l’on pourra véritablement parler de cet « après cancer » auquel nous aspirons tant. Et vous, qu’en pensez-vous?
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Catherine
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt ce post sur l’après cancer et je suis totalement en accord avec ton ressenti.
L’après cancer soit disant « pris en charge » ne l’est que sur le papier dans la vie au quotidien, il n’en est rien on est seul… seul devant la peur de la récidive, seul dans les difficultés financières, seul devant la perte d’emploi, seul devant la fatigue… Cessons de nous faire croire que nous vivons dans un monde où tout est rose… IL RESTE ENCORE BEAUCOUP DE CHOSES A FAIRE DANS LA PRISE EN CHARGE DU CANCER, ses conséquences psychologiques, sociales, familiales etc etc… Je reste persuadée que malheureusement ce sont les messages et les témoignages de ceux qui ont rencontré cette épreuve qui sont capitaux pour faire changer les mentalités et peut être… avec beaucoup d’espoir une meilleur prise en charge de l’après cancer.
Amicalement
Faby
Bonjour Faby,
Je suis d’accord avec toi : c’est en faisant participer les patients que les pouvoirs publics comprendront les réalités et arriveront à résoudre (un peu) les problèmes auxquels nous sommes confrontés quotidiennement. Malheureusement comme pour tout, les décisions politiques sont prises sans ou avec peu de concertations avec les principaux intéressés. L’INCa censé nous représenter, n’est que le pantin du gouvernement !
A très vite
pour qu’il y ait un « après » faut bien que le truc appartienne au passé, et c’est déjà là que ça coince. C’est souvent une histoire avec beaucoup de suites et pas vraiment de fin, voire un entre-deux.
Le seul « après » que je connaisse du cancer c’est que tout y a changé, voilà…
bonjour catherine,
Encore un post très intéressant. Pourquoi ne pas imaginer une cure de remise en forme pour retrouver forme, envie, goût, relaxation ? On pourrait inclure des séances de yoga, de la nutrition, des exercices de méditation, des séances chez un psy pour celles qui le souhaitent, des rendez-vous coiffeur, estéticienne…Enfin tout ce qui peut nous faire du bien pour retrouver confiance et aptitude au bonheur. Rencontrer des gens qui ont subi la même maladie. Enfin, tout ça reste dans le domaine du rêve mais pourrait aider de nombreuses personnes à se sentir mieux et peut-être à guérir.
à bientôt,
laurence M, Nouméa
Coucou les filles,
Tu as raison Laurence, il existe ce genre de structure pendant la maladie (encore trop rares) quant à « l’après » nous sommes livrées à nous mêmes !
Oui tout a changé Cathie … et en ce qui me concerne pour une part, j’en suis ravie ! Sans cela je ne t’aurais pas rencontrée 🙂
Bisous à toutes
Cath
L’après-cancer, ça me fait penser aux après-skis. On a quitté les pistes abruptes, mais il y a de la neige sur la route, ça glisse pas mal, ça caille malgré le beau temps. Mais enfin, c’est vachement plus confortable que des chaussures de skis.
Bon, j’avoue, je déteste le ski !
J’envoie vite ce comm. sans le relire de peur de ne pas l’envoyer !!!!!
Coucou Méli
Le parallèle avec les après ski est de circonstance :-)… Tu as bien fait de poster ce comm – Quant à moi, si les conditions météorologiques sont meilleures dans la journée, je pars skier ! Je penserai à toi sur les pistes 🙂
Gros gros bisous et passe de très bonnes fêtes
Catherine
Merci Meli de me faire rire dés le matin sur ce sujet sérieux qd même.
Ce post m’interroge aussi sur le fait de ne pas tout attendre de l’exterieur.
Bien sur il y a beaucoup de choses à faire et à changer, mais nous, comment sommes nous acteurs de nos pathologie et de notre retour « dans » la vie?
Je n’ai pas donné aux médecins « tout pouvoir » pour me guérir, de même, je n’attends pas de l’extérieur pour vivre. Et je reste persuadée que nous sommes nombreuses à fonctionner ainsi. La preuve tous ces blogs qui nous aide à continuer (merci à toutes).
Les plans divers et variés j’ai tendance à penser que c’est le plus souvent du vent pour faire » bien ».
Il serait bon que nos décideurs arrétent de penser pour essayer d’agir!!!!
bises à toutes et à tous
bonne journée
Bonjour Martine,
Tu as raison, les blogs, les sites, les forums nous aident toutes à traverser cette période. Néanmoins toutes les femmes n’ont pas la capacité de s’en sortir sans une aide plus personnelle, plus appropriée peut être, comme celle d’un psychologue. D’autre part, internet a ses limites et Laurence a raison : pourquoi ne pas imaginer systématiser les cures, gymnastique douce….et autres ?
Mais là où je te suis totalement, c’est dans le fait d’être acteur de sa maladie.. C’est notre corps, et nous devons nous prendre un minimum en charge : les médecins ne sont pas tout puissants…
très bonne journée à toi et à très vite
je t’embrasse
Catherine
« Parallèlement, une sortie de prise en charge en ALD (affection longue durée) est prévue courant 2011 ».
Bizarre, mais c’est ce qui me fait tilt.
Un plan cancer II n’aurait-il pas juste le but de nous faire sortir plus tôt de l’ALD -histoire de couter moins cher quoi ?
Et avec mes récidives et métastases qui m’occupent tant, je peux juste dire que la rallonge de 10 ans d’un coup de mon ALD, ça m’a au moins rassurée : pas ces soucis de mise à jour des papiers en plus du reste…
Pourtant, une vie normale sans qu’on nous demande pour tout acte bancaire de nous souvenir de notre passé, alors oui, ce serait un joli pas vers le futur…
Bonnes vacances « neige » ! 😉
Coucou Brume,
Il est certain que cette sortie d’ALD est une mesure économique plus qu’humaine :-(. elle n’aura certainement aucun impact sur les assureurs, banquiers ou employeurs contrairement à ce qu’essaient de nous faire croire nos dirigeants et décideurs en tout genre !
J’ai beaucoup travaillé le sujet en écrivant cet article pour la maison du cancer et je reste persuadée que c’est une mauvaise décision qui va plonger les patients dans une situation encore plus précaire !
L’INCa communique sur la « guérison » à 5 ans des « cancéreux » afin de préparer en douceur la mise en place de cette sortie d’ALD. Mais cette mesure va passer inaperçue et les malades paieont un lourd tribu…
Les choses ne vont pas dans le bon sens dans notre beau pays :-(.
Je t’embrasse Cécile et si nous ne nous parlons pas online, je te souhaite de très belles fêtes en famille
Catherine
la déprime est là, et personne en face de moi. toutes ces aides physiques psychologiques devraient être des soins, pour que l’entourage sache que la fin des soins n’est pas la fin de la maladie . Après une fracture, il y a le plâtre mais aussi la rééducation et c’est ce qui me manque en ce moment
Bonjour,
Une amie m’a dit une phrase que j’adore : « après la bataille, on compte ses blessures » ! La fin des soins ne sonnent pas la fin de nos douleurs malheureusement. Il serait bon que les autres le comprennnet car cette incompréhension nous fait encore plus mal, nous culpabilise et nous empêche de nous reconstruire ! Avez-vous pensé à vous faire aider, ce peut être une solution intermédiaire ?
Bonne journée