médecin-patient une relation plus compliquée qu’il n’y paraît
J’ai eu la chance incroyable de tomber (ou plutôt de choisir) un cancérologue exceptionnel : humain, charmant, empathique, à l’écoute de tous mes mots et maux, allant jusqu’à noter mes moindres réflexions dans un dossier qui du même coup, ressemble aujourd’hui à l’Encyclopédia Universalis, en aucun cas avare de son temps …. il a été parfait tout au long de mon parcours thérapeutique. Malheureusement, pour avoir rencontré et entendu bon nombre de malades, je sais qu’il n’en est pas de même pour tous.
Soyons clairs, souvent débordés, fatigués, usés, les médecins font avant tout leur métier : soigner et essayer de sauver leur patient. Peu importe les effets secondaires, les dommages collatéraux, la qualité de vie mise à mal, ne parlons pas des états d’âme, les malades sont réduits à des cellules malignes qu’il faut tuer. L’esprit disparaît à leurs yeux au profit d’un simple corps envahi par un « crabe » à combattre. Les cancérologues finissent par oublier qu’ils ont face à eux des êtres humains qui respirent, vivent, pensent, souffrent…. Notre état mental semble avoir bien peu d’importance pour ces praticiens qui nous paraissent dénués d’humanité. Ces parfaits techniciens, de plus en plus performants, vont jusqu’à refuser d’écouter et, en tout cas, n’entendent manifestement pas les plaintes incessantes des patients qui ne supportent plus les souffrances induites par les traitements. Que sont une perte de cheveux, des douleurs articulaires, une baisse de libido …. face à une mort qui nous pend au nez? Quant aux problèmes d’ordre psychologiques, il existe des spécialistes pour ça !
Mais aujourd’hui le patient est devenu acteur de sa maladie. il la connaît, sait reconnaître les symptômes, veut discuter d’égal à égal avec son praticien, être écouté, entendu et soigné dans son ensemble. Ses demandes sont ô combien légitimes! Le médecin tout puissant a fait son temps et il est urgent que celui-ci prenne en compte cette nouvelle donne.
Un livre sur le sujet sorti en septembre dernier aux éditions Odile Jacob : « Cancer : le malade est une personne » écrit par un journaliste, Antoine Spire, et un philosophe, Mano Siri, aborde la plupart des aspects de cette relation médecin – patient. Les auteurs en appellent à une médecine plus humaine, moins technique pour atteindre ce qui est finalement l’objectif des deux parties : guérir ! Dans ce plaidoyer destiné à tous, ils pointent du doigt les problèmes auxquels nos cancérologues sont confrontés.
La société doit faire face à une pénurie d’oncologues et les chiffres avancés dans l’ouvrage font peur : on compte actuellement en France 0,7 cancérologues pour 100 000 habitants ! Plus de malades, moins de soignants …. et nous voilà confrontés à des médecins surchargés, ne disposant pas du temps nécessaire pour une consultation bien souvent expédiée en 10 minutes, pour répondre au téléphone, rassurer, entendre, comprendre … (voir la vidéo : » nous irons tous à l’hôpital » de Bernard Giraudeau sur le site de la maison du cancer).
D’autre part, les médecins sont-ils vraiment formés à l’écoute? En réalité il ont très peu (ou pas) de cours de psychologie lors de leurs études ou de la formation continue qu’ils doivent suivre tout au long de leur carrière. La conclusion semble évidente : si les traitements sont de plus en plus personnalisés, de plus en plus performants, ce n’est pas le cas de la consultation ! Pourtant ces formations sont essentielles. Un cancérologue est avant tout un être humain confronté à la mort de façon quasi quotidienne. Il doit se protéger, ne pas projeter, apprendre à comprendre au delà de la maladie, l’état psychologique de son patient. C’est en prenant le malade dans son entièreté, en soignant corps et esprit, qu’il pourra lui donner les meilleures chances de guérir, ou en tout cas, l’aidera au mieux.
Le Docteur David Khayat, lui même cancérologue, lors de sa présidence de l’INCa avait demandé en 2005 la création d’un Département de recherches dans les sciences humaines censé observer et qui sait, trouver des solutions à cet énorme écueil dans le parcours thérapeutique. Malheureusement le projet a été rapidement abandonné en 2006, grâce à Monsieur Dominique Maraninchi plus intéressé par les chiffres de guérison dont il nous abreuve à tout va ! (voir mon post : Merci l’INCa, je suis guérie !) Le président actuel devrait revoir sa copie… Et, plutôt que de passer son temps à répondre aux journalistes, il ferait bien de se pencher sur ces aspects essentiels de la « guérison » des cancers. Parce que pour bien « guérir » il faut savoir écouter !
Alors, quelles solutions? Peut-être faudrait-il, dans un premier temps, ouvrir le numérus clausus (d’autant plus que le manque touche d’autres spécialités). Ceci permettrait de former d’autres cancérologues qui, je le rappelle, ne seront opérationnels que dans une dizaine d’années. Pour l’instant, on pallie à cette pénurie en faisant venir des médecins étrangers qui ne suivent pas, pour la plupart, des études aussi longues et et aussi complètes qu’en France! Dans le second, il est clair qu’augmenter sensiblement le nombre de formations psy proposées à nos cancéros présents et futurs ne pourrait qu’être bénéfique pour des patients qui n’ont pas tous accès à des consultations d’onco-psychologues. Et quand ils sont présents, ces derniers passent un temps fou à réparer les dégâts occasionnés par des médecins peu enclins à l’écoute.
Bien entendu, ces mesures ne résoudront pas tout, et l’on trouvera toujours des oncologues désinvestis au point d’en devenir incompétents. Mais, à mon avis, aider cette profession devrait faire partie des plans cancer, qui, pour l’instant, ne prennent peut être pas suffisamment la mesure de tous les problèmes. Le premier a mis en place le dispositif d’annonce qui tarde à se mettre en place. Le second semble destiné à désengorger les hôpitaux en mettant les malades le plus rapidement possible, dans les mains des médecins de ville. C’est bien sûr une solution : vider les hôpitaux permettra de dégager du temps pour les consultations des malades en soin. Mais les généralistes sont-ils formés pour le suivi délicat d’un patient une rémission? Il reste vraiment du pain sur la planche ! Espérons que le troisième plan cancer, s’il voit le jour, prenne en compte toutes ces questions.
Soigner, voire guérir est bien, même nécessaire bien entendu, mais pas suffisant…. Les plaintes des malades sont de plus en plus nombreuses et les disparités entre les différents centres surchargés sont criantes. La relation médecin-patient devrait être au coeur des discussions des politiques, car trop de personnes souffrent de cette médecine de plus en plus déshumanisée…. Alors Monsieur Xavier Bertrand, Monsieur Maraninchi, si vous me lisez…..
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Pas plus tard que lundi 6, son cancéro a dit à Bernadette, « la prochaine fois que vous avez un problème respiratoire, allez à l’hôpital et il faut régler ça une bonne fois pour toutes, demandez une sédation, vous ne pouvez plus continuer comme ça, il faut en finir. « Je pensais naïvement que la décision appartenait au malade… Qu’en pensez-vous?
http://www.sfap.org/content/actualit%C3%A9s
Bonjour Sitelle,
Votre question est très difficile et la réponse très personnelle. J’ai été confrontée au problème pour mon père qui était en soins palliatifs. Dans ce cas précis, c’est les médecins qui nous ont proposé la sédation (mon père souffrait et était très agité) – ce que nous avons accepté, sans finalement trop savoir à quoi nous attendre. Dans un second temps, nous avons demandé de la lever, afin d’avoir une chance de pouvoir lui parler une dernière fois… Malheureusement, il ne s’est plus réveillé…
Dans votre cas ou plutôt celui de votre amie, je ne sais que répondre. j’imagine qu’il faut vraiment voir les médecins et le patient et ses proches comme une véritable équipe. Chacun peut proposer mais la décision finale appartient au malade (ou à ses proches s’il ne le peut pas lui-même) …
A très vite
Catherine
Bonjour Catherine.
Ton article va parler à de nombreuses personnes, il va faire écho à ce que beaucoup d’entre nous vivent dans leur relation avec leur oncologue.
Comme tu le dis très bien, les médecins sont parfois d’excellents techniciens, mais bon nombre d’entre eux oublient qu’ils soignent une personne et qu’une personne ne se résume pas à ses seins.
Au cours de l’année 2010, j’ai changé de lieu de prise en charge, en raison d’erreurs commises, et je suis suivie maintenant dans l’un des tous meilleurs centres de la région parisienne pour le traitement du cancer. Je ne suis pas déçue par le niveau de compétence de mon nouvel oncologue, par contre, j’ai été très surprise, je dirais même choquée, de voir qu’il se moque complètement de savoir comment va mon moral et qu’il a balayé d’un revers de la main mes plaintes concernant les effets indésirables liés au Tamoxifène qui me rendent les nuits de + en + difficiles à cause des crampes, et que dire des douleurs articulaires ? Il sait pourtant que je dois prendre encore cette hormonothérapie pendant 4 ans…
Ce qui me surprend aussi, c’est qu’il s’agit d’un jeune oncologue : J’aurais pensé que la dimension psychologique était mieux enseignée de nos jours.
Le livre « Cancer : Le malade est une personne » devrait être distribué à tous les oncologues
pour qu’ils s’en inspirent.
Tu as raison d’insister sur l’importance de l’écoute de la part du médecin et sur la nécessité de la prise en charge du patient dans sa globalité.
Merci pour ton post de très bonne qualité !
Bonjour Isabel et merci 🙂
Tu as bien fait de changer de médecin, surtout si des erreurs ont été commises… C’est inacceptable ! Au même titre qu’un oncologue qui ne prend pas la peine de t’écouter (ça ne veut pas dire qu’il faille encore en changer, mais quand même).
Malheureusement j’ai bien peur que les cours de psycho n’aient toujours pas été ajoutés au programme de médecine :-(….
Ce livre devrait être au chevet de chaque oncologue, tu as parfaitement raison! Espérons que certains le liront et en prendront de la graine…
A très vite
Catherine
faudra quand même qu’un jour quelqu’un arrive à m’expliquer comment on a pu autant s’éloigner de l’Humain dans un secteur comme la santé !! je suis très contente de lire et entendre partout que le patient redevient le coeur des préoccupations médicales, vraiment très contente… mais n’est ce pas enfoncer une porte ouverte, comment a-t-on pu autant s’éloigner d’une telle évidence !? sinon en admettant que la médecine a oublié de quitter le dernier millénaire, tout progresse, même les patients, suivez-nous messieurs nos chers médecins, même malades nous avançons.
Pour reprendre Denise Silber, j’ai adoré sa phrase : « le patient est le 1er membre de l’équipe médicale ».
Comme toi, j’ai l’immense chance d’avoir choisi mon centre et d’être tombée sur une oncologue extraordinaire. Peut-être parce que je suis dans le privé, plus de moyens, plus de temps pour leurs patients?…
Je suis aussi suivie en doublon par le CLB et je ressens parfaitement la pression qu’ils ont, toujours pressés même si très compétents…
@cathie : cette phrase est géniale, mais comme toi, il me semble que c’est une évidence et il est dommage, qu’il ait fallu attendre 2010 pour l’entendre. Espérons qu’elle soit entendue de tous !
@isabelledeLyon : Nous avons eu beaucoup de chance toutes les deux, malheureusement ce n’est pas encore le cas partout, et ça doit changer, absolument…
Je vous embrasse les filles
Catherine
Mais un médecin a-t-il le droit de dire à un malade d’aller se faire euthanasier ailleurs, qui plus est, sans lui avoir demandé ce qu’elle veut?
@Sitelle : je ne sais que vous répondre Sitelle, si ce n’est que vous êtes tombée sur un fieffé imbécile comme il en existe malheureusement dans beaucoup de métiers… A ceci près que c’est beaucoup plus grave quand il s’agit d’un médecin confronté à une personne en fin de vie…
Tant qu’elle en est capable, ce choix lui appartient, c’est ma conviction.
Vous le dire ne pansera pas vos blessures et je ne peux que vous conseiller de vous tourner vers un autre praticien plus humain et plus en accord avec ses volontés.
Bon courage à vous, vous êtes pour elle une amie et une aide précieuse.
Catherine
Ce n’est pas maintenant qu’on va changer d’oncologue, puisqu’elle a épuisé les traitements possibles. Elle sait bien que c’est fini, mais elle n’a pas besoin de se faire traiter comme un chien qu’on vient faire piquer. Pour moi il y a faute professionnelle et en plus il l’envoie finir sa vie ailleurs. Loin des yeux, loin de sa conscience, si toutefois il en a une.
Bonjour Sitelle,
je ne parlais pas de consulter un nouvel oncologue mais bien un médecin spécialiste dans les soins palliatifs. Ils ont pour réputation d’être plus humains et sont habitués à des circonstances difficiles comme celle qui est la votre en ce moment. Parallèlement un psychologue pourrait peut être vous aider. Ce ne sont que des avis et j’imagine à quel point la situation est compliquée pour vous.
Plein de choses à vous et votre amie.
Catherine
Catherine
Nous avons les deux, hélas, aussi impuissants l’un que l’autre mais humains, heureusement!