la culpabilité des survivantes
Le mois de septembre est le temps des contrôles pour beaucoup d’entre nous, allez savoir pourquoi. Sur Facebook, les statuts de mes amies défilent ; dans la vraie vie, les coups de fil se succèdent : marqueurs, mammographie, scanner sont au programme, avec leur lot d’angoisses, de peurs, de stress auxquels personne n’échappe. Nous attendons toutes ensemble les résultats , et cette chaîne de solidarité permet, parfois, d’adoucir l’insupportable attente .
Certains jours, le soulagement survient à la lecture des profils ou au gré d’un coup de téléphone libérateur. Malheureusement, pour certaines, le couperet tombe. Les marqueurs montent, le scanner révèle de nouvelles métastases et le monde s’écroule à nouveau pour ces femmes, la plupart en chimio, combattantes depuis de longs mois. Ces mauvais résultats, insoutenables à apprendre, nous renvoient à nos propres peurs et pour ma part, à des questions existencielles pour lesquelles je n’ai aucune réponse convenable.
Mais pourquoi elles? Pour quelles raisons, le cancer récidive-t-il chez l’une et pas chez l’autre? Pourquoi, alors que les traitements ont été les mêmes, alors que l’envie de vivre est aussi forte, certaines femmes s’en sortent, d’autres pas?
J’entends ici et là, que le cancer, accident de vie, doit nous permettre de faire le point, d’ apporter des changements à notre existence passée, changements sensés nous éviter de tomber malade à nouveau. Mais ce n’est pas si simple ! Modifier son hygiène ou son mode de vie, son alimentation, aller voir un psy pour chercher les causes de son cancer, accepter de suivre les protocoles les plus lourds… ne sont pas gage de guérison. Ce serait trop facile !
Alors doit-on attribuer ces échecs au hasard, à la fatalité? Et au « pourquoi moi » du diagnostic, je passe au « pourquoi moi » de la rémission. La culpabilité s’immisce dans mon esprit, cette culpabilité qu’ont ressenti bon nombre de survivants de la Shoah face aux millions de compagnons laissés au bord de la route. Pourquoi mon grand père est – il revenu d’Auchwitz et pas ses filles, jeunes et belles femmes promises à une longue vie. Comment a-t-il survécu à leur décès, à la mort de tant d’autres, s’interrogeant jour après jour sur sa destinée, sur le pourquoi de cette deuxième chance qui lui était offerte à lui et pas aux autres. Et moi, qu’ai-je fait de plus que mon amie pour m’en sortir? Elle est mère, épouse, fille comme moi, je ne suis en aucun cas plus méritante qu’elle et pourtant… Qui décide de notre sort?
Certains avanceront l’idée d’ une puissance supérieure qui détermine nos chemins. Mais, il me semble que la main de Dieu, Shiva, Bouddha ou Allah s’abat sur leurs victimes avec à priori, avec une totale iniquité. Cette roulette russe qui s’apparente à une vaste loterie ne trouve aucune explication tangible, aucune raison concrète, et n’obéit à aucune loi. J’aimerais pouvoir croire que cette entité divine, si elle existe, choisit ces victimes avec discernement… il me semble que ce n’est pas le cas :-(. Et cette injustice flagrante à laquelle je suis confrontée chaque jour, m’est devenue insupportable!
Malheureusement, je ne trouve pas plus d’explications dans la science. A ce jour, la médecine est incapable de prédire le risque de rechutes, d’expliquer le pourquoi de ces récidives, malgré de nombreuses recherches dans ce sens. Des essais cliniques ont été mis en place, mais n’ont malheureusement pas été probants (voir mon post ASCO espoirs et déceptions). Et pourtant, j’en suis certaine, c’est là que nous trouverons des réponses qui permettront, à terme, de soigner ces femmes en amont et leur éviter le pire.
D’ici là je dois regarder mes amies souffrir, retourner au front, tomber parfois, avec l’impression que ce choix arbitraire de l’existence est une faveur imméritée qui m’a été accordée. Mes pensées et mon soutien indéfectible vont vers elles aujourd’hui.
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Coucou, quel beau post … plein d’humanité, comme tu sais si bien l’être. Toutes ces questions sont si complexes … et nous sommes si impuissants face à elles. Chacun trouve Sa Solution pour traverser la maladie. Cette faveur dont tu parles, tu l’as méritée. Je t’embrasse
Mon médecin m’a dit un jour alors que j’avais le moral au 10ème sous-sol aprés être allée sur des forums ou certaines d’entres nous parlaient de leur rechute avec le même type de cancer et le même traitement que le mien.
» Arrête d’aller là dessus, tu sais il n’y a que celles pour qui cela se passe mal qui y vont, celles qui s’en sortent n’y vont pas! tu te fais du mal »
il avait tort!(et raison!) mais voulait-il seulement être rassurant car cette incertitude omniprésente fait partie de notre vie de « survivante », notre existence est désormais entre parentèses ou l’angoisse rythme nos pas et ou la remission (diminution temporaire)des 5 ans est une illusion car combien ont rechuté à l’issue ?? le Pourquoi Elles, le pourquoi moi et le pourquoi nous resteront des éternelles questions sans réponses
Excellent post!!!!
Tout est dit, même si beaucoup de questions restent énigmatiques.
je souhaite à tous du courage et longue route….
Oui, on y pense tous.
La similitude avec les survivants du cancer, j’y ai souvent pensé moi aussi. Même si ce que nous avons vécu est sans commune mesure.
Et eux aussi, ils se sont souvent tus à leur retour, car ils sentaient bien que les gens autour d’eux avaient envie de passer à autre chose.
Merci Catherine pour ce post si juste.
Comme tout cela est bien dit, l’attente, la peur de la rechute et la culpabilité; cette culpabilité de celle qui s’en est sortie; je connais tout cela car j’ai eu la chance de n’avoir pas à subir les traitements lourds que vous avez eu;carcinome in situ de bas grade; les protocoles ont changé, m’a dit mon chirurgien (qui a l’habitude d’opérer des cancers du sein), donc tumorectomie mais pas de rayons ni de chimio; soulagement certes mais aussi culpabilité par rapport à toutes celles qui m’ont soutenue quand j’attendais mes résultats et haine de voir certaines rechuter; voilà pourquoi je suis encore sur les forums;je me sens obligée de les soutenir et je me suis pris de tendresse pour certaines; il y a tant de jeunes qui pourrait être mes filles…
quel beau billet !
le jour où cette maladie sera connue, le poids de la culpabilité aussi s’allégera…
J’ai perdu une amie il y a bientôt 1 an, j’avais tissé avec elle des liens de soldate, j’ai souvent pensé à une amitié des tranchées. Quand j’apprends qu’une personne entame une chimio, ça me touche très profondément… oui, ça tient d’un lien viscéral, c’est peut-être ça la culpabilité, être définitivement « attachée », en bien, comme en douloureux.
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bonjour Catherine
merci pour votre témoignage
en ce moment je suis pas du tout en forme je plonge dans une déprime je n’en vois pas le bout
on me dit » tu es guérie » « qu’est ce que tu veux de plus! » « tu t’es battue tu dois relever la tête » seulement je n’y arrive pas j’ai perdu le sourire cette saloperie me l’a pris avec l’opération
je sens que ma tête ne fonctionne pas bien je suis vivante mais morte à l’intérieur
je vois tout en noir
cette maladie est terrible elle nous garde des séquelles a vie
je ne me sens plus féminine la chimio m’a plongé dans la vieillesse et ce corps que j’ai maintenant il ne me plait pas je me sens moche je n’arrive plus a m’habiller
et maintenant j’ai la trouille qu’elle revienne….
cette peur je la ressens tous les jours cela devient insupportable
cela fait un an que tous les traitements ont été terminé et j’espère bien qu’avec le temps je ressentirai moins de souffrances psychologiques
a bientôt
nallie
bonjour catherine,
On se pose toutes et tous la même question quand on tombe malade : Pourquoi moi ? On analyse alors sa vie et on se dit que ce n’est pas juste. J’ai une bonne hygiène de vie :: je fais attention à ce que je mange, je ne fume pas, je bois que du vin rouge, je fais du sport…Alors pourquoi moi ? Pourquoi certaines ou certains rechutent ? Nous n’avons pas la réponse et je ne sais pas si on l’aura un jour. Ce qui est certain, c’est que la recherche fera avancer les traitemnts et de plus en plus de cancers seront guéris. En attendant, il faut vivre avec cette épée de damoclès au dessus de la tête !
à bientôt
laurence M
ps : courage nallie, tu vas y arriver et pouvoir à nouveau profiter de la vie; Je te le souhaite vivement !
ps : coura
Bonjour Nallie,
L’après est souvent difficile. Pendant les traitements, on est focalisé sur la guérison, sur les traitements, entourée par le corps médical. le temps est rythmé par les rendez-vous chimio, rayons, oncologue…. Puis tout d’un coup on se retrouve seule face à soi même et à sa peur. Les autres ne comprennent pas. Pour eux on est guéri, il faut tourner la page…. Mais ce n’est pas si simple, nous le savons toutes.
Ne restez pas seule Nallie, consultez un psychologue… parlez de vos souffrances autour de vous, expliquez que non, tout n’est pas fini….
Le temps, bien sur, va faire son oeuvre, mais n’attendez pas pour vous faire aider…. Souffrir ne sert à rien et vous avez déjà bien trop souffert….
Je vous embrasse
merci pour vos réponses et vos encouragements
mais il est vrai qu’en ce moment je baisse les bras
a bientôt
nallie
Nallie, on ressent ou on a toutes ressenti ce que tu vis à présent et c’est normal ! car comme l’a si bien dit Catherine, une fois les traitements terminés on se retrouve face à soi, face à ce corps meurtri qu’il faut reconstruire et réaprivoisé et la page n’est pas si facile à tourner même si on doit reprendre le cours normal de notre vie. Rien n’est et ne sera plus jamais pareil et il est vrai que notre entourage a du mal à comprendre et admettre cet état d’esprit. Nous on te comprend et on est là.
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merci a Odile
est ce normal que je ressens comme une envie de m’endormir et ne plus me réveiller….
une envie d’être apaisée…
pourtant je l’ai gagné ce combat alors pourquoi je m’enfonce??
bises a toutes
nallie
Nallie, très souvent certaines femmes qui se sont battues contre un cancer du sein, font une « dépression » après que les traitements soient terminés. Cela n’a rien d’anormal. Lorsque l’on est en soin, notre énergie est entièrement consacrée à la guerre que nous sommes en train de mener.
Après, le temps n’est plus rythmé par les rendez-vous à l’hôpital, on se retrouve seule face à ses peurs. La plupart du temps on est incomprise par l’entourage qui vous pense guérie alors que des séquelles peuvent persister pendant longtemps.
Je vous conseille vraiment d’aller voir un psychologue qui pourra vous aider, voire un psychiatre qui pourra vous prescrire un traitement pour soulager votre mal être. N’hésitez pas à le faire et ne vous inquiétez pas ce que vous vivez arrive à beaucoup d’entre nous.
A très vite
Catherine
Il n’y a pas de culpabilité qui tienne devant le hasard quelque soit le nom qu’on lui donne. La fatalité nous condamne tous à la naissance, il faut comme disait Giraudeau, ‘s’apaiser’ et voir les choses avec pragmatisme. La mort est le compagnon, il vous prend quand il veut pas quand vous voulez et ce n’est la faute de personne.
Bonjour Sitelle et merci pour votre commentaire. Je ne sais pas si j’atteindrai un jour votre sagesse et celle de Monsieur Giraudeau. Aujourd’hui, j’en suis au stade où je m’interroge encore devant la souffrance de tant de mes amies. Mais la vie fait grandir et un jour peut-être accepterai-je la fatalité.
merci Catherine de prendre le temps de me répondre
cela me soulage de ne pas me sentir seule
a bientôt nallie
très émue de votre témoignage.
j’y retrouve de ma vie aussi,
que je ressens plutot comme survie à présent.
à force de devoir se battre, on finit par se demander pourquoi encore se battre.
vraiment émue de vous avoir lue,
autant je parle facilement de mon cancer qui « m’occupe » depuis 19 ans, autant il est difficile de partager nos questions profondes.
Bonjour Brume (quel joli pseudo :-))
Merci beaucoup pour votre gentil commentaire. .. A très vite j’espère
C’est tellement vrai, Catherine tout comme ton post au tournesol fané;-( Différentes, pour toujours. Je mesure aussi la chance que j’ai eue, comme toi, jusqu’à maintenant, et comme toi aussi, souvent je me dis: « pourquoi? », en étant reconnaissante à la vie. Merci pr ces deux posts et bises suisses.
Merci Isa… Nous avons toutes le même ressenti …. Compagnes de galère et solidaires. Depuis mon cancer j’ai fait des rencontres virtuelles ou pas exceptionnelles et ça me donne foi en la vie ! Carpe Diem est une maxime qui me va bien. Je t’embrasse fort