courage et dignité
Vous a-t-on déjà dit : « comme tu es courageuse ? » … Voilà une phrase que j’ai entendue souvent et qui m’insupporte beaucoup… une phrase de bien portant.
Pourquoi parler de courage lorsqu’on n’a pas le choix ? Qui va choisir à 37 ans, un mari et deux enfants petits, de ne pas suivre les traitements et donc d’aller vers une mort … inéluctable?
Dans le dictionnaire des synonymes voilà ce que l’on trouve à courage : « bravoure, cran, vaillance, hardiesse, témérité, volonté, héroïsme ( !) …Non vraiment aucun de ces termes ne convient à l’état dans lequel je me trouvais au moment des traitements. Je dirais plutôt : en colère, fatiguée, épuisée, ras le bol, désespérée …
Mais un « cancéreux » se doit d’être courageux comme il se doit d’avoir le moral pour « guérir » (voir mon post précédent). Sans courage, qui irait subir tous ces traitements barbares, ces mutilations, ces nausées, vomissements, pertes de cheveux, radiations, castrations… ? Comment expliquer que, presque mécaniquement, le matin des soins, le malade se lève, fait sa toilette, déjeune, accompagne ses enfants à l’école et va à l’hôpital sachant qu’il va subir l’enfer. Comment faire comprendre que la question ne se pose même pas, parce que tout être humain touché par un cancer n’aspire qu’à une chose : guérir.
Le courage me fait plutôt penser aux soldats confrontés à la mort. Ces mots guerriers employés par les anglo-saxons lorsqu’on parle de cancer : fight, warrior, survivor… sont – ils appropriés concernant la maladie. Le cancer ressemble-t-il vraiment à un combat ? Je ne crois pas : se bat-on contre son propre corps, contre des cellules microscopiques qui ne demandent qu’à proliférer ? J’ai plutôt eu l’impression de subir, or un combattant ne subit pas, il attaque, il contre l’ennemi et tue pour se défendre, pour sauver sa peau. Ce sont les traitements, ces molécules qu’on nous injecte, ces rayons qui nous irradient qui guerroyent pour nous.
Et puis, suite à deux événements, très proches, cette réflexion sur le courage m’a amenée à me poser une autre question. Mon père touché par un cancer a refusé, deux ans avant sa mort, qu’on lui enlève la vessie, geste qui l’aurait sans doute sauvé ou qui, au moins, aurait prolongé sa vie de quelques belles années. Mais la peur du handicap (une poche pour récupérer les urines), et la peur de souffrir l’ont conduit à refuser l’opération. Après la colère, la réflexion m’a permis d’admettre qu’il avait bien vécu et élevé ses enfants (il avait 81 ans), et que sa décision, difficile pour moi sa fille, lui appartenait. Je n’ai pas pensé au courage dans son cas, mais j’ai eu l’impression qu’il baissait les bras et acceptait de partir pour son dernier voyage …
Vendredi dernier, je suis tombée sur une émission de télévision dans laquelle passait Bernard Giraudeau qui est atteint d’un cancer du rein depuis bientôt 10 ans. Dans ce reportage, il disait qu’il refuserait dorénavant toute nouvelle intervention chirurgicale. David Servan Schreiber, son ami, explique cette décision comme une volonté de préserver sa dignité. Mon père l’aurait donc désirée au mépris de sa vie, l’acteur, bien que plus jeune, la souhaitait également. L’explication ne m’a pas suffit. (certaines d’entre vous vont pensé que j’ai quelque chose contre DSS ce qui n’est pas vrai, je le jure ☺)
Je m’explique : cela veut-il dire que lorsqu’on est mutilé, vomissant, sans cheveux ni sourcil, souffrant … on a perdu toute dignité ? Je refuse de croire ça. Je vois des femmes et des hommes, jeunes et moins jeunes, dans les hôpitaux, subir les traitements avec noblesse, la tête haute … dignement. Vous me le prouvez chaque jour dans les messages que vous postez sur ce blog.
Par contre, je peux comprendre que l’on refuse de souffrir encore et encore… Je peux imaginer qu’au bout de 10 ans, après tant d’années passées à avoir mal, on refuse de continuer une vie qui n’est plus que douleur. J’imagine aussi, que pour certains la peur d’avoir mal est plus forte que tout, plus forte que la peur de la mort. Peut être que le fait de croire en Dieu, Bouddha, Allah ou Shiva représente dans ces cas là, une aide importante, même essentielle.
Cependant, il faut, à mon avis, avoir atteint un certain seuil de sagesse pour pouvoir affronter la mort en face, même si l’on a passé un âge considéré par certains … comme certain.
Pour ma part, je pense que si l’on refuse les traitements invasifs afin de ne pas souffrir, que de ce fait, on affronte la mort en la regardant droit dans les yeux, c’est certainement bien là que se situent le courage … et la dignité. Alors Messieurs, chapeau bas !
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Catherine
oui moi aussi je l’ai entendu souvent ce mot tu es courageuse on m’a meme dit : »je m’attendais pas a ce que tu sois aussi forte »….pourquoi?
car comme vous dites la chimio a été un véritable enfer pour moi
et je ne vous cache pas que certains jours je ne voulais plus de traitement tellement le combat a été difficile mais l’amour de mes filles a été plus fort que tout et je « veux voir grandir mes enfants » et j’ai appris de mon expérience personnelle que cette saloperie ne fait pas le poids devant des pers déterminé a vivre!
cela fait un an que les chimio sont terminé et j’ai qu’une trouille au ventre c’est qu’elle revienne hanter mon corps déjà bien meurtri de cette invasion me voir sans cheveux et si affaibli par les traitements et une fille me demandant un jour » est ce que tu va mourir maman? »
mais non ma chérie je ne veux pas!
ce que je ne comprend pas c’est qu’ils m’ont dit « cela se soigne madame » mais il n’emploi pas le mot guérison pourquoi?que dois je comprendre dans ces mots?
merci pour votre blog
a bientot
nallie
post très émouvant. Lorsque l’on se bat contre une maladie on nous parle de courage, ait du courage, du courage et encore du courage
je suis d’accord avec des paroles
bisous
Merci d’avoir aussi bien commenter le mot « courage »
Trés émouvant !!!!!!!
@Nallie je sais à quel point il est difficile de vivre l’après avec tous ces doutes et toutes ces questions…. vais – je rechuté? le cancer va-t-il revenir? Mais ce que les médecins vous disent c’est que vous avez fait ce qu’il fallait pour vous soigner… Bien sur nous aimerions tous qu’ils prononcent enfin le mot tant attendu : guérison.. Il faut y croire, et la recherche fera surement un jour qu’enfin les oncologues pourront le prononcer sans aucune retenue.
prenez soin de vous
Merci à vous toutes
Catherine
Encore un post qui nous prend les tripes ! c’est vrai que je l’ai entendu ce fameux mot COURAGE. Comme tu as été forte… comme tu as été courageuse… Alors non, non et non !!! je n’ai pas été forte ni courageuse ! j’ai juste voulu comme toutes m’en sortir pour voir mes enfants grandir et la seule façon d’y parvenir était d’obéïr et de subir sans rien dire. merci Catherine
Courage! guérir! mais à quel prix!
Tout est dit, ma Belle !
Chapeau bas… j’en ai des frissons partout !
Combien de fois m’a-t’on dit… « quel courage ! comment fais-tu ???? » et inlassablement, je répondais « je n’ai aucun courage mais j’ai le devoir d’être une super maman pour ma Manon et mon Léo ! » Manon me montrait tellement le chemin de la bataille et jusqu’au bout la vie a pris le dessus sur la mort mais ça n’était en rien une question de courage ! Manon a aussi choisi de ne plus être transfusée, de ne plus retourner à l’hôpital… elle n’avait même pas 8 ans !
Milles bisous ma Cathinouchette chérie !
Merci ma Nanou 🙂
Catherine
merci pour votre réponse
nallie
J’ai ressenti comme toi le fait de ne pas avoir le choix en s’accrochant à ce et ceux qu’on ne voulait pas perdre.
Courage ou sérénité absolue pour accepter l’ultime départ ?
La dignité face à la mort est abordée dans le très beau livre de Marie de Hennezel : « La mort intime ».
(J’aime beaucoup ce post !)
Au bout de plus de 13 ans de souffrances, Bernadette a décidé non seulement de ne plus accepter de chirurgie, mais non plus de traitements invasifs.
seules celles qui vivent ça peuvent comprendre que guerir n’a pas de prix et à n’importe quel prix !!
Je les connais aussi ces matins de chimio, cet automatisme: la douche, les antiémétiques, le patch d’emla pour le trocard de la pérf, mon dernier petit déj et ce dernier petit café avant 3 ou 4 jours, ma fille à déposer au bus pour l’école et cette route (15mn) interminable jusqu’à l’hopital ou déjà les nausées pré-traitement m’assaillent et ce casque réfrigéré à -30° (pour garder le peu de cheveux qu’il me reste) m’attend sagemment dans son petit bac de congélation et qui me glace jusqu’aux os. Et plus d’une fois j’ai failli tourner les talons faute de COURAGE si un petit coup de pied au c… (au figuré) ne m’avait fait comprendre » Il faut que tu te battes, tu dois guérir, tu n’as pas le choix «
Je viens de découvrir votre blog par le lien d’Olympe ; je suis très touchée par ce post. Je ne suis pas malade mais maman d’un petit garçon de 3 ans atteint d’un cancer très agressif (il est actuellement en rémission). Ce mot courage, je ne veux plus l’entendre. Je l’ai trop entendu, et il n’a aucun sens. Avoir du courage, c’est CHOISIR d’affronter une situation où la mort rôde, c’est partir à la guerre, en tant que soldat, reporter ou aide humanitaire. Moi je n’ai rien choisi,j’ai SUBI, la peur à chaque instant de perdre mon enfant, ses instants de douleur, ses hospitalisations, et désormais la crainte d’une rechute contre laquelle on ne pourra (presque) rien.
Et le pire : s’entendre dire : « allez, bon courage ».
une énorme montagne de bisous à ton petit bout, pour nous adultes c’est déjà trés dur alors pour un ptit homme de trois ans ! quelle salo…. maladie
Merci infiniment à toutes pour vos témoignages et commentaires ….
je vous embrasse
Catherine
bonjour catherine,
j’ai beaucoup aimé cet article sur le courage des malades, des cancéreux. Je ne sais pas non plus où est le courage. Celui d’affronter la maladie et tous ses traitements ou celui d’affronter la mort quand l’espoir de guérir ne suffit plus. J’ai choisi de ne pas faire de chimiothérapie car on m’a laissé le choix de ne pas la faire en me disant que j’étais limite sur certains critères. Un cancer du sein avec une tumeur de 1,1 cm mais à 44 ans. Je pense aussi ne pas avoir eu le courage d’affronter les douleurs physiques et morales d’une chimiothérapie. J’espère avoir fait le bon choix mais il faudra sans doute attendre au moins cinq ans. Pour le reste, je suppose qu’on fait de notre mieux pour combattre cette maladie et espérer que ce n’est qu’un mauvais passage dans une vie.
Cependant, je comprends l’attitude de ceux comme bernard Giraudeau qui choisissent d’abandonner en cours de chemin. Personne n’a le droit de juger cette attitude tant elle est propre à chacun.
merci encore pour ton article.
à bientôt
laurence
bonjour a toutes
il y a une façon de dire le mot » courage »
et certains le disent très mal
quand on me disait » courage tu vas y arriver » celui la je l’accepte c’est plutôt un encouragement pour me dire tu vois la fin des traitements arriver
mais celui: »il faut que tu sois courageuse! » ah non pas celui là!
bises a toutes
nallie
Bonjour à toutes,
Admiration et très, très grand respect pour vous toutes.
Difficile de trouver les mots pour exprimer au plus juste mon ressenti… J’ai eu la chance de n’avoir à subir qu’une mastectomie du sein droit, la maladie etant restée in situ, mais le premier compte rendu de macro biopsie m’annonçait un carcinome intracanalaire infiltrant donc on m’avait averti des traitements après la chirurgie…et j’ai eu donc le temps de me projetter dans ceux là (ce n’était qu’une projection et je crois la réalité bien pire dans certain cas…) mais le premier ressenti c’est cette peur de manquer d’énergie, peur le la perdre au fur et à mesure, ce mélange d’émotion entre l’envie de baisser les bras mais de ne pas avoir la ‘liberté’ de le faire, je m’explique: ayant la garde classique de mes deux jeunes enfants, biensûr j’aurais tenu pour eux. Par contre si je me projettai seule, sans enfants, mon vécu de la maladie et mon choix aurait été différent: c’est pour cela que j’emploie le mot de ‘liberté’. C’est pour pouvoir continuer à leur communiquer notre amour que l’on tient, que l’on veut rester avec eux le plus longtemps possible, comme si en devenant maman, ce don là etait notre première mission, dépassant tout le reste.
J’espère ne heurter personne par ces mots que j’écris vraiment en toute humilité n’ayant pas eu à passer par ce chemin là…
(Ce que je partage du fond de mon corps c’est l’appréhension que la maladie revienne, peut-être et d’une façon plus agressive, sur l’autre sein…)
Mais aujourdh’ui est là, c’est l’été, la lumière est belle: vivre le présent, le plus sereinement possible…
Amitiés
Bonjour Corine,
Pas de heurt, votre ressenti vous appartient et j’avoue que, pour ma part, voir mes enfants grandir a été une motivation indeniable. Merci de partager avec nous vos sentiments.
A très vite j’espère
Catherine
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L’amour, il me semble, permet aux malades de conserver toute leur dignité