Pour changer le regard : « le corps amazone » un film documentaire d’ Anja Unger
Les femmes qui subissent une mastectomie sont confrontées à un choix : se faire reconstruire ou rester asymétrique. Mais les médecins ne proposent pas toujours cette alternative. La plupart du temps, pour « faire passer la pilule », les chirurgiens, après avoir parler ablation, laissent immédiatement entrevoir la salvatrice chirurgie réparatrice . Les soignants, y compris les psychologues, ne s’apesantissent pas sur ce que sera la vie avec un seul sein et, du coup, n’aident pas à faire le deuil pourtant nécessaire. La raison souvent invoquée : cette période ne sera que transitoire.
Or, contrairement à ce que pense la majorité des gens, les 3/4 des femmes ne veulent pas de cette reconstruction. Peu importe leurs raisons, elles sont très nombreuses, puisqu’on estime à 250 000 le nombre des amazones en France, et 1 million en Europe! Déjà éprouvées par la maladie, elles doivent souvent affronter un regard et des questions parfois blessantes de personnes qui ne les comprennent pas.
Annick Parent, touchée par un cancer du sein, est confrontée à cette incompréhension qu’elle vit très douloureusement. En 2007, elle décide de créer une association « les amazones s’exposent« . A travers des évènements artistiques, elle veut aider le grand public mais aussi le monde médical à accepter la décision de chacune, à aller au delà du tabou.
Expositions de peintures, sculptures ou photos se succèdent. En 2009, elles tournent ce petit film qui représentent bien leur démarche :
Le 19/20 de FR3 leur consacre un petit reportage en mars 2010. Il y a quelques temps, Anja Unger, une cinéaste auteur de plusieurs documentaires, contacte l’association pour tourner un film qu’elle appellera « le corps amazone » .
La réalisatrice m’a gentiment fait parvenir ce très joli texte qui explique sa démarche et son ressenti pendant le tournage :
La vie vaut bien tous les seins du monde…
(ou : Un film sur ce qu’on gagne en perdant )
Dans le film ‘Le corps amazone,’ vous allez découvrir des femmes qui ont survécu à un cancer du sein. Dans la bataille, elles ont toutes laissé un sein. Pendant le film, elles nous font part de la façon dont elles se sont réapproprié leur corps, leur être.
Avant de commencer ce projet, je n’avais eu aucun lien intime avec le cancer – ni dans ma famille, ni parmi mes amis. Ce qui me parlait beaucoup dans cette « aventure », c’était cette question de comment continuer après qu’un accident de la vie soit arrivé. Comment se reconstruire, comment redevenir maître de sa propre vie. Comment inventer une normalité pour soi, une normalité autre que la normalité ‘normale’. Comment accepter quelque chose qu’on n’a pas choisi. Comment retrouver la joie, l’envie, la vie. Et aussi ce désir d’entendre des récits d’autres qui sont déjà passés par là, de partager un vécu pour qu’il soit moins lourd.
Dans tout le film la question – où est-ce que je suis femme ? – se pose. L’image du corps nous renvoie à des représentations que nous avons et que nous ne questionnons pas en règle générale. Le travail du photographe et des artistes invite à réfléchir sur la beauté.
Ce film m’a fait rencontrer des femmes qui m’ont littéralement fascinée. Je ne suis pas engagée dans des batailles féministes et je ne suis pas très axée sur les associations exclusivement féminines, mais les femmes que j’ai pu rencontrer m’ont complètement surprise par leur force et énergie, tout en les sentant fragiles. Pour le dire différemment : elles sont étonnement vivantes. On se mettrait à les envier si on n’avait pas si peur du crabe…
Chacune des femmes filmées a – pour des raisons différentes – décidé de ne rien changer à son nouveau corps, de rester comme ça, « asymétrique ». Pourtant, avec les moyens de la chirurgie esthétique d’aujourd’hui, une reconstruction du volume perdu est possible. Au début du film, j’avais envie de rencontrer des femmes ayant choisi de faire une reconstruction. Mais, au fur et à mesure que le projet a avancé et que j’ai entendu les récits des unes et des autres, je me suis aperçue que ce qui comptait pour moi, c’était celles qui avaient choisi de se reconstruire autrement en acceptant l’ablation sans reconstruction physique. Je voulais être là où les vraies histoires avaient eu lieu.
Il ne faut pas en conclure que je suis contre une reconstruction chirurgicale. Au contraire, si cela permet à une femme de retrouver son équilibre et son bonheur, tant mieux. Mais pour moi, qui fait un film, qui veut raconter une trajectoire de vie, ça ne me parlait pas de la même manière. Si je devais faire un film avec des gens en surpoids, je ne filmerais pas ceux qui ont réussi à maigrir. Je ne voulais pas être dans la normalité ‘normée’.
En envisageant l’acceptation de la métamorphose physique imposée par le cancer, les femmes dans mon film ont dû grandir, s’élever, faire l’effort pour dépasser le deuil, l’angoisse, la colère et l’amertume. Pour moi, l’important était de savoir en quoi cet accident de vie pouvait-il avoir du positif, et de le communiquer par mon film, un film sur ce qu’on gagne en perdant.
Anja Unger
Ce film sera projeté en avant première le mercredi 5 mai 2010 au Forum des Images – salle de l’auditorium – 2 rue du cinéma Forum des Halles à Paris. La projection sera suivie d’un débat en présence de la réalisatrice, des protagonistes du film, des producteurs et de représentants de l’institut Curie.
L’entrée est libre et gratuite. Réservation sur simple mail : assistant.wild-eye@wanadoo.fr
Mon amie Cathie créatrice du souti1© premier soutien gorge pour amazone (cf mon billet du mois de février), a participé à ce film. Pendant le tournage, elle était en chimio pour son second cancer, moment difficile et plein d’émotion qu’elle explique dans son blog.
J’espère que les parisiennes viendront nombreuses le 05 mai et que les autres pourront très vite voir ce film en province et même, soyons fous, à l’Etranger.
Le tabou est en train de se fissurer, ces femmes acquièrent petit à petit une légitimité. Le public commence à les comprendre, à oser regarder cette cicatrice qui barre le sein manquant, à accepter cette alternative comme naturelle. Ce film fait partie d’un inexorable processus qui va dans le bon sens, celui de la liberté de la différence !
Illustration : Heath Rosselli « Evelyn »
Je ne comprends pas pourquoi tu parles de tabou ?
Quand on parle de la « reconstruction », c’est pour savoir comment cela se passe, pas pour s’afficher.
Il me semble que la liberté de chacune est de faire ce qu’elle souhaite (avec ou sans) et je ne vois pas l’intérêt d’exposer ce choix intime au grand public. Mais peut-être suis-je mal placée pour comprendre ?
Je lis Anja Unger « En envisageant l’acceptation de la métamorphose physique imposée par le cancer, les femmes dans mon film ont dû grandir, s’élever, faire l’effort pour dépasser le deuil, l’angoisse, la colère et l’amertume. »
Reconstruites ou pas, les patientes doivent de toute façon faire ce chemin. Elles ne seront plus jamais les mêmes après… Je suis actuellement une femme avec 2 seins, bientôt je n’aurai plus qu’un sein, reconstruite ou pas. Et l’acceptation, le deuil, la colère, l’amertume sont là, avec prothèse ou sans.
Ne minimisez pas les souffrances des (futures) reconstruites.
Merci pour votre blog, il est très aidant.
Pour ma part, je ne souhaiterais pas montrer ma cicatrice ou mon buste. Déjà que je suis pudique… Mais faire sortir de l’ombre ce tabou (je suis SURE que c’en est un, moi), et bien c’est une bonne chose.
J’en ai pas mal parlé dans mon blog.
On ne m’a par exemple, jamais demandé comment je vivais le fait d’avoir un sein en moins, alors qu’on me demande la fatigue, les examens, l’angoisse, etc… C’est vraiment un sujet dont on ne parle pas. Ni dans le quotidien avec les gens ‘ordinaires’, ni avec l’équipe de l’hosto qui n’en parle qu’en terme de reconstruction.
Noëlle, tu as raison,balayer les souffrances du cancer avec un bistouri, pure utopie.
Pour revenir au film ‘le corps amazone’, on peut se procurer le dvd contre un chèque de 20 euros (port compris) à l’adresse suivante :
http://www.oeilsauvage.com
3, rue Albert Guilpin
94 250 Gentilly
Vous nous raconterez, celle qui seront présentes le 5 mai o)
S’il y a un choix qui existe, c’est bien celui de rester amazone, mais sûrement pas de le devenir.
Et c’est quelque chose qui se construit dans la durée, c’est long.
La prothèse ne nous saute pas sur le buste au réveil, on est amazone 24 sur 24, et comme toute femme, les moment au naturel sont très appréciables.
Sortir du tabou ça veut dire ne pas se cacher, même à soi-même. J’ai mis 6 ans à me dire « je suis une amazone », du verbe être. Ce jour-là j’ai retrouvé une identité.
Et je n’ai pas décidé de ne pas me faire reconstruire chirurgicalement, c’est doucement que je me suis éloignée de cette solution, parce que trop lourde, trop tôt pour redire au gamin que je vais « m’absenter », pas au bon moment en terme de carrière, etc, etc…
Comme il existe plusieurs cancers du sein, il existe plusieurs types de reconstruction. Chacune appréhende ce qui lui est proposé en fonction de ses critères de nécessité. Moi je me suis cru longtemps anormale de ne pas me précipiter au bloc. J’aurais connu l’existence d’autres amazones, j’aurais regagné plus rapidement un pan de sérénité.
C’est pour ça que le film d’Anja est indispensable. La presse et les médecins ne parlent que de reconstruction, c’est formidable pour plein de femmes, mais les autres n’ont aucune obligation de silence, encore moins quand elles représentent la majorité des cas.
Une association comme « les amazones s’exposent » dit tout avec intelligence : non pas s’exhiber, mais s’exposer, par le biais de l’art, une expression de la liberté, une représentation toujours créative de l’humain, une vérité. Ça s’appelle être, ça s’appelle vivre. Même dans une normalité revisitée.
Oui, Noëlle, je suis tout à fait d’accord : rien ne sera jamais plus pareil mais ça ne veut pas dire « moins bien », ça signifie « différent » et là, il y a peut-être de bonnes choses à découvrir …
Méli, je pense que le silence de l’équipe médicale est une grosse carence.
En ce qui concerne tes proches, ce n’est peut-être que de la pudeur. C’est difficile aussi pour eux (rien à voir avec ce que tu vis bien entendu).
A toi, si tu le peux, d’aborder le sujet en déviant les conversations sur la fatigue, les résultats, …
Peut-être l’as-tu déjà fait et est-ce pour ça que tu dis que le propos est tabou. Mais il faut continuer quand même. Ce n’est qu’en en parlant à titre personnel qu’on brisera le mur. Je pense que les images peuvent tronquer le message à l’attention des personnes indirectement concernées. Ca se discute sûrement !
Bonne journée.
Chacune est libre de decider ce qui est bon pour elle, pour ma part je ne conçois pas la feminité avec un seul sein, mastectomiée en 2005 j’ai eu recours 5 fois a la reconstruction, des problemes ont fait que malheureusement je me retrouve encore au point de depart, « une amazone » et je le vis tres mal, je n’accepte pas ce corps auquel on a enlevé sa feminité, je me deteste et je me degoute….. vous pouvez penser ce que vous voulez, je ne trouve pas de raisons valables pour rester comme ça, ok j’ai gagné la bataille, ok je suis lá pour rire, vivre et en parler mais dois je supporter a chaque fois que je me deshabille et que j’enleve ma prothese cette image que me renvoie le mirroir???? malgré le nombres d’operations que j’ai eu et les echecs duent a mes problemes de santé, je suis aujourd’hui dans l’attente d’une nouvelle tentative de reconstruction par grand dorsal et meme si je vous semble idiote de penser que la feminité d’une femme sans poitrine est comme une chaise sans pieds, cela m’est egal. je me sentirais a nouveau femme lorsque j’aurais a nouveau une poitrine avec ses 2 seins, vrais ou faux. Je respecte et j’admire toutes ses femmes qui ont su s’accepter avec 1 seul sein, moi je n’y arrive pas et mon mal etre d’etre comme ça ne se guerrira seulement lorsque je pourrais a nouveau aimer mon corps avec « une poitrine »…
Bonne journée a vous toutes.xxx
Hello
je trouve que ton blog est sympa, continue sur cette voie.
Coucou,
Le sujet est sensible et vécu vraiment différemment selon les femmes…. C’est la raison pour laquelle je pense que l’association et le documentaire d’Anja sont nécessaires au même titre que des créations comme le souti1 de Cathie. Ces initiatives vont permettre aux amazones de se faire accepter mais surtout comprendre et peut être aussi à celles qui, comme Géraldine, souffrent énormément de se regarder autrement….
Bisous
Je te comprends Géraldine. Pour l’instant je suis à mi-parcours de la radiothérapie, et si je ne vis pas trop mal le fait de n’avoir qu’un seul sein, c’est parce que je sais que c’est provisoire. Comme toi, si je devais subir un ou plusieurs échecs de reconstruction, il est clair que j’insisterai. Je ne veux pas rester amazone.
En revanche, j’admire toutes celles qui ont pris la décision de le rester et qui réussissent à s’assumer ainsi. C’est la preuve d’une grande force, vraiment.
Mais Géraldine, tu n’as pas à te justifier et personne ne te trouve idiote. On a toutes vécu à peu près la même chose avec ce cancer, on n’est pas là pour se juger entre nous, surtout pas.
Je te souhaite bon courage pour ta prochaine tentative, qui je l’espère de toutes mes forces, sera la bonne.
Bisous.
Géraldine, je me reconnais dans ton cri… il m’a longtemps accompagnée. C’est un peu une bête sauvage que j’ai apprivoisée.
Rien n’est obligé. Etre juste bien dans sa peau est une reconquête très personnelle, chacune à son rythme et à sa façon.
J’ai une amie qui s’est faite reconstruire par grand dorsal. Elle en est heureuse. Bon courage à toi et tous mes voeux de réussite chirurgicale !
Je t’embrasse très fort!
bonjour Catherine
merci pour votre blog vous mettez toujours pleins d’infos enrichissantes
je trouve cette idée de film super et encore mieux si il pouvait le transmettre a le télé car trop de gens encore ignore le cancer du sein et ne savent pas qu’elles souffrances nous avons enduré j’aimerai vraiment qu’il le diffuse a l’antenne
ils ont bien fait un film sur « la fille du rer »
quand pensez vous?
nall.
Coucou Nallie,
le petit film sur l’association des amazones s’exposent est passé en partie au 20h donc à une heure de très grande écoute, ce qui est déjà un grand pas en avant. Quand au film le corps amazone, nous ne savons pas encore comment il va être distribué… j’en saurais peut être plus lors de la projection le 05.
En tout état de cause vous avez parfaitement raison ce genre de film permettra de changer les mentalités et c’est certainement plus que necessaire.
Catherine
ok que je te comprend, présentement on me dit d’attendre 3 ans avant de penser a une reconstruction et chaque fois que j’enlève mon soutien george avec ma prothèse je me met a pleurer, j’ai meme enlever le miroir de ma chambre pour ne pas me regarder, j’ai de la difficulter a penser que je n’ai plus de féminité je ne peux me désabiller devant mon conjoint, ca fait déja 1 ans et mon conjoint ne me vois plus toute nue, je n’arrive pas a en faire le deuil, je sais que je pourrais aller dans une autre région pour faire faire une reconstruction de mon sein, avec quoi, le budjet n’est pas là, Surtout l’été est arrivé et comment aller magasiner sans se faire regarder de travers par les vendeuse quand on leur demande un chandail d’été sans écolter, on passe pour une petite dame capricieuse c’est tres frustrant, leur dire bien j’ai seulement 1 sein alors ca me prend un chandail avec un col haut, juste le temps d’expliquer a la vendeuse mon cas les larmes me monte au yeux et je repars vers la maison sans achat en pleurant. Meme si il faut tres chaud j’ai un chandail avec un gros col, pour ne pas montré que j’ai seulement 1 sein. Je comprend tres bien ceux qui se font refaire une reconstruction de sein, et je les approuves.
Bonjour ,
La semaine dernière j’ai assisté a la projection et au débat de « corps amazone » avec Anja Unger . Même si mon épouse a fait le choix de la reconstruction je n’en ai pas moins été touché par ce reportage
je mets votre page en lien sur mon article de blog concernant l’opération « octobre rose » , si cela vous pose problème faites le savoir ,
cordialement
Jean Jacques
Bonjour jean Jacques
Au contraire, il n’y a aucun souci ! Je suis par ailleurs ravie d’accueillir un homme-conjoint sur mon blog !
Très bonne journée
Catherine
Bonjour Catherine ,
Si je peux aider n’hésite pas à le faire savoir , même s’il est encore difficile de parler , je trouve tout de même plus facile d’écrire
Pour l’histoire l’entourage est important et en même temps il se doit d’être vigilant pour lui même , Au début je n’ai pas fait attention a cette mise en garde d’une infirmière , je n’étais pas le patient concerné……et pourtant !!!
Bon week end
@+
Merci Jean Jacques, c’est noté 🙂
Très belle journée à vous et à très vite j’espère
Catherine